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36. Premières eucharisties chrétiennes
17/01/2021 00:59Deuxième voyage missionnaire de Paul
36. Premières eucharisties chrétiennes
C'est dans les lettres de Paul que nous rencontrons les premières mentions des activités des chrétiens le dimanche, «jour du Seigneur». La franchise avec laquelle l’apôtre blâme les abus qui s'étaient déjà glissés lors de ces rencontres, nous aident à lever légèrement le voile sur les célébrations de l'Église primitive : «Quand vous vous réunissez en commun, ce n'est pas le repas du Seigneur que vous prenez. Dès qu’on est à table en effet, chacun se hâte de prendre son propre repas, et l'un a faim, tandis que l'autre est ivre. Vous n’avez donc pas de maisons pour manger et boire ? Ou bien méprisez-vous l'Église de Dieu et voulez-vous faire honte à ceux qui n'ont rien ? Que vous dire ? Faut-il vous louer ? Non, sur ce point je ne vous loue pas.» (1 Corinthiens 11, 20-22)
En relisant les deux lettres aux Corinthiens, le récit du service dominical à Troas, les indications de la Didakhê et la lettre de Pline écrite à l'empereur Trajan (début du 2e siècle), nous avons une bonne idée des célébrations dominicales pendant les premiers temps de l’Église. Comme le développement de ces célébrations s’est fait très lentement, les indications tirées de sources plus tardives nous permettent de remonter à l'époque apostolique.
Selon le rapport de Pline sur l’interrogation de deux servantes chrétiennes, nous savons qu’il y avait chaque dimanche, deux services religieux. Le premier était célébré tôt le matin et le second au cours de la soirée. À l’office du matin, on chantait alternativement en deux choeurs, un cantique s'adressant à la divinité du Christ. Pendant cette rencontre matinale, les chrétiens s’engageaient à vivre la morale chrétienne dans leur vie quotidienne. Le soir, la célébration était composée d’un double repas : celui des agapes et celui de l’eucharistie.
À l'office du matin, on chantait alternativement en deux choeurs, un cantique s'adressant à la divinité du Christ
Les rencontres du dimanche étaient remplis de chants et de musique. Les Grecs adoraient la musique et avaient un sens raffiné du rythme. Il faut nous rappeler les comédies et les tragédies grecques où les choeurs constituaient une partie essentielle des oeuvres théâtrales. Paul encourage un programme liturgique qui répond à ce besoin de chant et de musique : «Récitez entre vous des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés. Chantez et célébrez le Seigneur de tout votre coeur». (Éphésiens 5, 19) Parmi les nombreux charismes mentionnés par Paul, il y en a un «pour chanter les psaumes». (1 Corinthiens 14, 26) Il pense probablement aux hymnes composés dans un élan de piété, et semblables aux cantiques de l'Ancien Testament. Les Évangiles nous transmettront trois de ces cantiques : le Magnificat de Marie, le Benedictus de Zacharie et le Nunc dimittis de Siméon.


Lorsqu’en 386 saint Augustin raconte qu'il fut entraîné par le chant de la communauté de Milan et touché jusqu'aux larmes, ce n’était certainement pas un chant ennuyeux et sans mélodie.
Il faut aussi mentionner la lecture des textes bibliques durant ces liturgies. Dans l'Antiquité, on ne lisait jamais simplement avec les yeux. On lisait à haute voix, avec toutes les nuances, les inflexions, les variations de rythme qui faisaient la joie des participants. Chez les Grecs, la rhétorique jouissait d'une grande faveur et on attribuait des prix à ceux et celles qui savaient bien lire en public. L'Église, qui reconnaissait l’importance de la lecture bien faite, a institué un ministère particulier, celui du «lecteur».
Influence grandissante de la femme dans la communauté chrétienne
Les offices dans les églises de Paul laissaient aux femmes un rôle important. Chez les Juifs, la femme était éliminée du service liturgique; elle était reléguée à un endroit à part. On ne se donnait pas la peine d'enseigner les Écritures aux fillettes. De son côté, le christianisme naissant accordait aux femmes une place de choix. Cela nous fait comprendre la reconnaissance que celles-ci vouaient au Christ et l’attirance qu’il avait pour elles. Elles reconnaissaient en lui un Sauveur qui les respectait, les aimait et s'occupait d’elles. Dans les Évangiles, certaines images caractérisent la nouvelle position de la femme et annonce pour elle un véritable printemps : Marie aux pieds de Jésus à Béthanie, Marthe qui fait sa profession de foi à la mort de son frère, la pécheresse parfumant les pieds de Jésus chez Simon le pharisien, la Samaritaine au puits de Jacob, la femme adultère qui lui doit la vie!
Avec Paul, nous remarquons l'influence toujours grandissante de la femme dans la communauté chrétienne : Eunice et Lois, Lydie, Évodie, Syntyché, Damaris, Prisca, Phoebée, les filles de Philippe... Elles jouent un rôle important dans le développement des Églises. Après la mort de Paul et surtout après que le christianisme soit devenu la religion de l’État au début du 4e siècle, l’Église a perdu cette ouverture et ce respect profond qu’on avait pour les femmes dans les communautés chrétiennes. Elle adopta alors la culture machiste de l’Empire.
Le soir, la célébration était composée d'un double repas:
celui des agapes
et celui de l'eucharistie
Pendant la soirée du dimanche, les chrétiens se rassemblaient une deuxième fois pour un repas fraternel. Il y avait d’abord les agapes ou le repas de partage, l’une des plus belles inventions de l'Église primitive. Il ne faut pas s’étonner de trouver dans les catacombes de nombreuses représentations de cette rencontre précédant l’eucharistie.

Agapes - Catacombes Ste Priscille

Catacombes Sts Pierre et Marcellin
On apportait de petites tables et on les plaçait en forme de fer à cheval ou en demi-cercle. L'esclave et la servante prenaient place à côté du percepteur municipal Éraste, de l'ancien président de la synagogue Crispus, de la femme d’affaires Phoebée, du riche Titius Justus, et ils étaient servis par des gens affables, qui circulaient entre les tables. La personne la plus âgée était assise au milieu de chaque table, comme nous le voyons dans les fresques des catacombes. Le maître de la maison fournissait les nécessités de base : l'eau chaude et froide, les olives, les sardines, les assiettes et les plats. Un diacre, un presbytre ou le maître de la maison prononçait la prière sur les mets : «Loué sois-tu, Seigneur, notre Dieu, Roi de la terre, tu fais sortir le pain du sol..., tu produis les fruits et la vigne».
Après les agapes, ceux qui n'étaient pas encore baptisés s'éloignaient et les autres se rendaient au banquet eucharistique dans la salle haute, qui se trouvait à l'étage supérieure. On y allumait de nombreuses chandelles. Les participants y faisaient une confession en commun de leurs péchés, ensuite ils se rendaient à la table des offrandes, et y déposaient leurs paniers remplis de farine, de raisin, d'encens, d'huile, de pain, de froment et de vin, aliments qui seront offerts aux pauvres et aux gens dans le besoin. C’est là l’origine de nos «collectes dominicales». Pendant que ces offrandes sont rassemblées, le Kyrie eleison est chanté en choeur.
C'est alors que le célébrant principal prononce sur un ton solennel le récit de la dernière Cène, tel que Paul l'a reçu de 1'Église-Mère de Jérusalem : «Voici ce que moi, j'ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, il le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi». Il fit de même pour la coupe, après le repas, en disant : «Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; faites cela, toutes les fois que vous en boirez en mémoire de moi» (1 Co 11, 23-25). On voit que ces mots sont très proches de ceux de la dernière Cène dans le récit des évangiles synoptiques. Le récit de Paul est en réalité le plus ancien de tous ces textes. La communauté répondait : «À Toi la gloire dans les siècles. Les fragments de ce pain épars sur les montagnes se sont réunis en un seul tout, qu'ainsi ton Église se rassemble des extrémités de la terre dans ton Royaume. Car à Toi est la gloire et la puissance par Jésus-Christ dans les siècles» (Didakhê, ch. 9).
Après ce récit de la dernière scène, les croyants s'approchaient pour recevoir des fragments du pain consacré, et pour boire au calice qu'on leur présentait. Ils retournaient à leurs places après s'être donné le baiser de paix. On emportait alors l’eucharistie aux malades, pendant qu’on chantait un hymne de reconnaissance, qui donnera son nom à toute la cérémonie (eucharistie = action de grâce). Le tout se terminait, selon la Didakhê, par un cri de nostalgie en vue de la Parousie du Seigneur : «Maranatha», Viens, Seigneur Jésus (Didakhê, ch. 10).
Toutes ces informations lèvent un peu le voile sur les premières célébrations du Jour du Seigneur.
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