
43. Émeute à Éphèse
07/03/2021 00:13Troisième voyage missionnaire de Paul
43. Émeute à Éphèse
Paul avait l’habitude d’être contesté par les Juifs dans les synagogues. Il ne s’attendait pas du tout à la prochaine attaque qui allait venir d’une toute autre direction : des marchands du temple de la déesse Artémis. Cette attaque coïncidait avec la grande fête du mois de mai qui transformait la ville d'Éphèse en une foire gigantesque et une bacchanale sans pareille. Elle se déroulait autour du prestigieux temple d'Artémis. Le mois de mai tout entier était consacré à la déesse de toute la Grèce.
Nous possédons, au sujet de cette fête, un document historique, gravé sur un tableau de marbre et retrouvé dans les ruines d’Éphèse :
«Comme il est notoire que non seulement parmi les Éphésiens, mais dans la Grèce entière, des temples et des lieux saints, des images et des autels sont consacrés à Artémis..., comme de plus, en grande preuve du respect qui lui est rendu, un mois appelé Artémision a reçu son nom parmi nous..., considérant comme convenable que le mois tout entier, qui porte le nom divin, soit gardé comme saint et célébré dignement, les habitants d'Éphèse ont décidé de régler son culte par le décret suivant : Le mois d'Artémision, en tous ses jours, sera saint. Durant le mois tout entier, on célèbrera des fêtes, des panégyriques et des solennités sacrées.
Notre ville en recevra un nouveau lustre et sera prospère en tout temps ».
Les foules nombreuses qui venaient à Éphèse à l'occasion des fêtes de mai favorisaient l'expansion des idées chrétiennes, et Paul voulait en profiter pour élargir son champ d’action missionnaire. Mais son idéalisme l'empêchait parfois de considérer la situation réelle, et d’avoir égard aux intérêts séculiers des gens. Il ne s'était pas aperçu que ses activités pouvaient nuire aux revenus de plusieurs artisans. Le personnel employé au service du temple d'Artémis, les prêtres de la déesse et toute cette foule d'eunuques, de prostituées, de magiciens, de comédiens, de joueurs de flûte, de diseurs de bonne aventure et d'astrologues, étaient affectés par la prédication de Paul. Mais ceux qui avaient le plus à perdre étaient les commerçants et les négociants de la ville, les fabricants d'objets d'art et les orfèvres, les petits marchands et les vendeurs d'objets de piété, qui risquaient de voir leurs revenus diminuer.
Dans les premiers temps, la prédication de Paul n'a pas dérangé les fervents de la déesse Artémis. Mais à mesure que le nombre de conversions se multipliait, les rumeurs commençaient à circuler. Dans le temple, les prêtres d'Artémis s'alarmaient et plus encore les orfèvres qui vendaient des «souvenirs», à proximité du lieu de pèlerinage. Cela rapportait beaucoup d’argent. Les voyageurs qui revenaient d'Éphèse, avaient l’habitude d'emporter un souvenir à leur famille : une Artémis argentée ou dorée, une image de son temple, une médaille qu'on pouvait porter comme amulette. C'est ainsi que la déesse donnait du travail et du pain aux artisans de la ville. Cette année là, le lien entre la prédication paulinienne et la mauvaise marche des affaires, fut vite fait. Démétrius, qui employait peut-être lui-même, dans ses ateliers, de nombreux dessinateurs et ciseleurs qui copiaient en plâtre, en plomb, en argent ou en or, des statues de la déesse, des maquettes temple, des médailles de toutes sortes, se fit le porte-parole de sa corporation et des ouvriers engagés par les orfèvres.
Les Actes des Apôtres rapportent le discours qu'il adressa à ses collègues:
«Mes amis, c’est à cette industrie, vous le savez, que nous devons notre bien-être. Or, vous le voyez et entendez dire, non seulement à Éphèse, mais dans presque toute l’Asie, ce Paul, par ses raisons, a entraîné à sa suite une foule considérable, en affirmant qu’ils ne sont pas dieux, ceux qui sont sortis de la main des hommes. Cela risque non seulement de jeter le discrédit sur notre profession, mais encore de faire compter pour rien le sanctuaire même de la grande déesse Artémis, pour finir par dépouiller de son prestige celle que révèrent toute l’Asie et le monde entier.» (Actes 19, 25-27)

L'agitation gagna toute la ville et l'on se précipita en masse vers le théâtre, où Démétrius voulait organiser une réunion de protestation. Le mot d'ordre circula : «Au théâtre! au théâtre! Paul devant le tribunal populaire! Paul jeté aux lions!» Paul était décidé à se rendre à l'assemblée, mais ses disciples et ses amis l’empêchèrent de se risquer au théâtre. C’était la première contestation ouvrière rapportée par la Bible. Les soucis des orfèvres n'étaient pas dénués de fondement.
L'hémicycle du théâtre pouvait contenir 25.000 personnes. Des promeneurs et des pèlerins, qui ignoraient de quoi il s'agissait; le personnel des magasins, des restaurants et des banques; des gens qui sortaient de la bibliothèque; des jeunes hommes qui étaient au stade, aux gymnases, aux bains et aux lieux de sport se joignirent à la foule. Tous furent entraînés, et se trouvèrent soudainement dans le grand amphithéâtre.
Le récit de l’émeute d’Éphèse est l’un des récits les plus pittoresques des Actes des Apôtres. Luc y est allé de son talent, maniant tour à tour l’ironie et le drame. L’incident rappelle que l’évangélisation chrétienne ne soulève pas seulement un débat religieux; elle déclenche parfois des conflits sociaux, avec des répercussions économiques. Démétrius avait raison : le succès chrétien va finir par dépouiller de son prestige la déesse vénérée dans le monde entier et faire perdre le travail de centaines d’artisans.
Après l’émeute qui aurait pu coûter la vie à Paul s’il s’était présenté au théâtre, plusieurs historiens sont d’avis que l'Apôtre a été mis en captivité à Éphèse. Les textes de Luc et de Paul ne parlent pas directement d’emprisonnement mais on peut déduire qu’après l’émeute, il fut mis en prison. Lorsque Paul mentionne peu après, et plein de reconnaissance, dans la lettre aux Romains qu'il doit la vie à Aquila et à Prisca («Ils ont risqué leur tête pour me sauver la vie»), et qu'il nomme Andronique et Junias «ses parents et ses compagnons de captivité», il est difficile de parler purement d’images littéraires.
Pendant tout ce temps à Éphèse, de mauvaises nouvelles parvenaient de Corinthe. Les gens de Chloé avaient remis à Paul une lettre des anciens, l'avertissant des dissensions qui accablaient l'Église. Certains cherchaient à diminuer l'autorité de l’Apôtre et à troubler les communautés qu'il avait fondées. Comme si l’Évangile empruntait sa valeur à celui qui l'avait annoncé, certains se réclamaient de Paul, d'autres d'Apollos, d’autres de Pierre ou du Christ lui-même. C’est probablement de sa prison que Paul écrivit alors les deux lettres aux Corinthiens et celles aux Galates et aux Romains. Nous reviendrons sur ces lettres dans les semaines qui vont suivre.
Une fois libéré de prison, Paul voulut partir pour rentrer à Antioche de Syrie. Au moment de prendre la mer, il apprit que les Juifs complotaient contre lui. Il déjoua leurs intrigues en changeant de direction et en se dirigeant vers la Macédoine, ce qui allongeait son voyage de retour mais le protégeait des ennemis qui voulaient s’en prendre à sa vie. Pendant ce voyage, il valait mieux qu'il ne soit pas seul. Il était donc accompagné de Sopatros de Bérée, d’Aristarque et de Secundus de Thessalonique, de Gaïus de Derbé, et de Timothée, de Tychique et de Trophime de la province d'Asie. Il passa d'abord trois mois en Grèce et visita plusieurs de ses Églises. Il y rencontra Tite qui, cette fois-ci, apportait de bonnes nouvelles de Corinthe où il avait été reçu «avec crainte et tremblement». Cette nouvelle a ému la communauté et causé une grande joie.
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