
44 - Première lettre aux Corinthiens
14/03/2021 00:15Troisième voyage missionnaire de Paul
44 - Première lettre aux Corinthiens
Il est difficile de faire un bref résumé des lettres de Paul. J’aimerais simplement mentionner les principaux thèmes pour nous aider à les mieux comprendre et en apprécier toute la profondeur.
Si l’on veut connaître Paul, son tempérament bouillant, sa passion pour l’Évangile, sa liberté de parole et sa détermination, c’est dans les deux épitres aux Corinthiens qu’il faut les chercher. C’est probablement au printemps de l’année 54 que fut écrite la première. Mais Paul avait déjà écrit aux chrétiens de Corinthe. Deux de ses lettres ont été perdues.
La communauté de Corinthe a été fondée par Paul en l’an 50. À Éphèse, il reçoit régulièrement des nouvelles de ses Églises et il réagit en écrivant ou en envoyant des collaborateurs. La situation à Corinthe apparaît assez troublée. Les judéo-chrétiens (Juifs convertis au christianisme et restés fidèles à la Loi hébraïque) ont fait du ravage et sont responsables en grande partie des problèmes de la communauté. L’autorité de Paul se trouve ébranlée. Aussi envoie-t-il son fils spirituel, Timothée, pour vérifier la situation. Au retour de celui-ci, Paul décide d’écrire à cette Église en désarroi.
Les problèmes sont nombreux. Il y a d’abord la division en différentes factions : certains se disent disciples d'Apollos, d’autres de Paul, d'autres de Pierre et d’autres encore de Jésus Christ lui-même. Tout cela divise la communauté. Il y a ensuite les comportements qui scandalisent : inceste, fornication, procès devant les tribunaux de la ville. L'assemblée liturgique est troublée par des différences inacceptables entre riches et pauvres. Sous prétexte de «science» et de «liberté», on se complait dans des discussions stériles sur la virginité et sur le mariage. Paul nous offre ici les premières réflexions sur une éthique chrétienne appliquée aux problèmes de l'amour, du mariage, du rôle des femmes dans l'Église, des conditions sociales.
Paul trace la route la plus sûre pour vivre l'Évangile : l'amour fraternel. Le fameux hymne à la charité du chapitre 13 décrit cet amour en soulignant les désordres qui perturbent l'église de Corinthe. Les Corinthiens ont tendance à réduire les dons de l’Esprit à des manifestations spectaculaires comme la «prière en langues» (glossolalie) et la «prophétie». Paul leur rappelle que ce n’est pas le spectacle qui caractérise les dons de l’Esprit, mais le service à la communauté : «Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges, s'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale qui retentit. Quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et de toute la connaissance, quand j'aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s'il me manque l'amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, s'il me manque l'amour, je n'y gagne rien. L'amour prend patience, l'amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s'enfle pas d'orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il n'entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. L'amour ne passe jamais. Les prophéties? Elles seront abolies. Les langues? Elles prendront fin. La connaissance? Elle sera abolie. [...] Ces trois-là demeurent : la foi, l'espérance et l'amour, mais l'amour est le plus grand.» (1Co 13, 1-13)
L’hymne à l’amour est un point culminant des écrits néotestamentaires. C’est l’un des plus beaux textes de la littérature mondiale. Il est souvent repris pendant les cérémonies de mariage. Parmi les nombreux charismes, la voie de l’amour est le charisme par excellence.
La liberté est l’un des thèmes principaux abordé par Paul dans cette première lettre aux Corinthiens. Il défend ardemment la liberté chrétienne face aux judéo-chrétiens qui veulent imposer la Loi de Moïse et les coutumes juives aux croyants non-Juifs. Ce combat, il l’a mené au Concile de Jérusalem et il le fera de nouveau dans son épitre aux Galates. Dans le monde grec et latin, la liberté politique et démocratique comportait le droit de parole pour tous les membres de l’assemblée de citoyens (l’ekklèsia) et le droit de tout dire (parrèsia), sans peur de représailles. Paul revendique ces droits pour lui-même et pour ses Églises.
Comme les stoïciens, Paul se fait le défenseur acharné de la conscience personnelle. À propos de la consommation des viandes offertes aux idoles, il rappelle que les idoles ne sont rien. On peut donc manger la viande qui leur est offerte (8, 4-6). Mais cette liberté doit être limitée par la charité fraternelle envers celui ou celle qui risque d'être scandalisé par cette liberté (8, 7-13).
Paul n’entend pas imposer ses propres lois et il ne prétend nullement exercer une tyrannie spirituelle : «Ce n'est pas que nous entendions régenter votre foi, nous ne voulons que contribuer à votre joie» (2 Cor. 1, 24). L'Évangile n'est pas une camisole de force. C’est une loi qui ne s'impose pas de l'extérieur, comme la loi mosaïque, mais elle transforme de l’intérieur.
Selon Paul, les chrétiens doivent changer leur regard sur Jésus comme Paul l’a fait lui-même lors de sa conversion à Damas : Jésus ne doit plus être considéré comme «maudit» parce que crucifié, mais comme le «Seigneur ressuscité». Les quatre évangiles mentionneront le supplice de la croix comme mode d’exécution de Jésus, mais ils ne feront pas la théologie de la croix. C’est Paul qui le fait, et cela pour la première fois dans cette épître aux Corinthiens (1 Co 1, 18-31). C’est sa contribution majeure à la théologie chrétienne. La croix est une révélation. Elle nous dit qui est Dieu pour nous. Dans le message de la croix, Paul découvre un Dieu qui dépasse toute sagesse et toute religion. C’est là qu’il manifeste sa sagesse et sa puissance, là même où l’homme ne voit que faiblesse et folie.
Dans cette épître, la pensée de l’Apôtre pivote autour de deux pôles : le repas du Seigneur et l’amour fraternel. L’eucharistie est source de nourriture pour l’amour fraternel. À Corinthe, les agapes avaient dégénéré en festin pour les uns, alors que d’autres ne mangeaient pas à leur faim.
Paul répond aussi aux questions reçues sur le rôle des femmes pendant les célébrations. Celles-ci demandaient à être assimilées aux hommes dans les offices. Elles y prenaient la parole, et ne portaient pas de voile. Paul conseille le port du voile, ce qui correspond à une habitude à peu près universelle à son temps. On sait que les prostituées de Corinthe allaient tête nue. Les chrétiennes sans voile risquaient ainsi d’être comparées aux prostituées de la ville portuaire. Pour ce qui est de prendre la parole dans les assemblées, Paul suit la coutume juive dans les synagogues, ce qui lui vaudra l’accusation d’être misogyne. Il faut souligner cependant que tout au long de ses lettres, apparaissent des femmes qui militent auprès de lui et jouent un rôle de premier ordre, rôle qui leur était interdit dans les synagogues et dans les institutions grecques et romaines. Elles ont des postes importants dans les Églises. À Corinthe même l'une est ministre ou diaconesse d'une communauté. Parmi les chrétiens cités par Paul dans ses épîtres, figurent neuf femmes auxquelles, à plusieurs reprises, il exprime estime et affection.
Paul consacre le dernier chapitre de cette épître à la foi en la résurrection (1 Co 15). La lettre commençait par «le langage de la Croix» et elle s’achève par la proclamation de la résurrection du Christ et l’annonce de la résurrection des croyants. Elle est donc encadrée par le mystère pascal.
Tout cela fait beaucoup de sujets pour une seule lettre. La Première Epître aux Corinthiens est longue, d'une densité extrême et d'une surprenante variété, mais elle est d’une richesse extraordinaire et elle nous permet de jeter un regard sur la vie de l'Église primitive. Il semble cependant qu’elle n’ait pas eu l’effet escompté. Dans le courant de l'été 54, quand Timothée revient à Éphèse, il relate qu'il a été fort mal accueilli à Corinthe. Tout autre que Paul se serait découragé. Lui tient bon. Il ne renonce jamais. La crise va rebondir et donner lieu à d’autres interventions, à d’autres visites de Paul et de Tite, à d’autres lettres.
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