5 erreurs doctrinales de l’évangile de la prospérité
28/02/2019 00:005 erreurs doctrinales de l’évangile de la prospérité
BIBLE & THÉOLOGIE
Il y a plus d’un siècle, s’adressant à la plus grande congrégation de l’époque, Charles Spurgeon déclara : « Les chrétiens ne devraient pas chercher à amasser de l’argent. C’est une attitude anti-chrétienne et indigne. On pourrait objecter et dire : « Ne faut-il pas s’efforcer de gagner un maximum d’argent ? » Certes, on pourrait, et ce faisant, servir la cause de Dieu. Mais pour moi, les chrétiens ne devraient pas chercher à amasser de l’argent. »
Malheureusement, avec le temps, cet enseignement est devenu obsolète. On prône, aujourd’hui, dans la plupart des méga églises dans le monde, un nouvel évangile. On l’a tantôt nommé l’évangile du « nomme-le, réclame-le », l’évangile « de la santé et de la richesse », « l’évangile de la prospérité », ou encore « la théologie de la confession positive ».
Peu importe le nom qu’on lui donne, l’essence du message est le même. En d’autres termes, cet « évangile de la prospérité » enseigne que Dieu souhaite que les chrétiens soient en bonne santé, riches et heureux. Robert Tilton, un des grands défenseurs de cette doctrine, a dit : « Je suis convaincu que Dieu veut que chaque chrétien s’enrichisse, non parce que ça a fonctionné pour certains, mais parce que je le vois dans la Bible. Je ne fixe pas mes regards sur les hommes, mais sur Dieu qui permet que je m’enrichisse. » Les enseignants de l’évangile de la prospérité encouragent leurs fidèles à prier, voire à exiger que Dieu les rende prospères.
Cinq erreurs théologiques
Russel Woodbridge et moi-même avons co-écrit en 2010 un livre intitulé Health, Wealth, and Happiness : Has the Prosperity Gospel Overshadowed the Gospel of Christ ? (Tdt : Santé, richesse, et bonheur : l’évangile de la prospérité a-t-il fait de l’ombre à l’Évangile de Christ ?)
Dans ce livre, nous passons en revue les arguments des défenseurs de l’évangile de la prospérité. Au vu de la densité des sujets examinés dans le livre, je ne peux le résumer dans cet article. Je souhaite, par contre, exposer cinq erreurs doctrinales qu’on y aborde. J’espère qu’alors, vous pourrez discerner les dangers de l’évangile de la prospérité.
1. L’alliance conclue avec Abraham donne droit à la prospérité matérielle.
[Les théologiens de la prospérité] se méprennent quant à la raison de cette alliance, pire, ils se fourvoient quant à ses applications.
L’alliance conclue avec Abraham constitue un des fondements théologiques de l’évangile de la prospérité. On ne peut qu’apprécier que, pour leurs théologiens, la Bible relate bel et bien l’accomplissement de cette alliance. Mais on ne peut que déplorer qu’ils se méprennent quant à la raison de cette alliance, pire, qu’ils se fourvoient quant à ses applications.
Edward Pousson déclare, dans son livre Spreading the Flame, Zondervan, 1992, (Tdt : Répandre la Flamme) que « les chrétiens sont les enfants spirituels d’Abraham et ses héritiers concernant les bénédictions découlant de la foi… Cet héritage comprend tout d’abord une prospérité matérielle. » En d’autres termes, Dieu a instauré une alliance avec Abraham dans le but de le bénir matériellement. Et parce que nous sommes les enfants spirituels d’Abraham, nous avons hérité de ces bénédictions financières. En 1974, Kenneth Copeland dit dans son livre The Laws of Prosperity (Tdt : Les lois de la prospérité) : « Parce que Dieu a instauré une alliance, et que la richesse en constitue une des clauses, il faut vous approprier cette vérité : la prospérité matérielle est vôtre ! »
Pour appuyer leurs dires, les enseignants de l’évangile de la prospérité citent Galates 3:14 : « C'est ainsi qu'en Jésus-Christ la bénédiction d'Abraham touche aussi les non-Juifs. » Ils oublient malheureusement la deuxième partie du verset : « et que nous recevons par la foi l'Esprit qui avait été promis. » Paul rappelle ici clairement aux Galates que la bénédiction est liée au salut, et qu’elle est spirituelle. La bénédiction n’est pas financière ou matérielle.
2. Le sacrifice de Christ rachète aussi le « péché » de la pauvreté matérielle.
Le théologien Ken Sarles a publié dans le journal Bibliotheca Sacra un article intitulé A Theological Evaluation of the Prosperity Gospel (Tdt : Une évaluation théologique de l’évangile de la prospérité). Il y constate que, selon l’évangile de la prospérité, « le sacrifice de Christ a donné accès aussi bien à la guérison physique qu’à la prospérité matérielle. » Cette observation semble réaliste quand on sait ce que Copeland a dit à propos du sacrifice de Jésus : « Le principe élémentaire de la vie chrétienne est de savoir que Jésus a porté à la croix notre péché, nos maladies, nos peines, nos douleurs et notre pauvreté. » Cette interprétation erronée du sacrifice provient de deux erreurs faites par les partisans de l’évangile de la prospérité.
Tout d’abord, ils se méprennent sur la façon dont Jésus a vécu sur terre. John Avanzini a déclaré sur TBN que Jésus avait une « belle maison », « une grande maison », qu’il « gérait beaucoup d’argent », et même qu’il « portait des vêtements de marque. » On peut aisément comprendre qu’une telle vision de la vie de Jésus puisse conduire à une vision tout aussi déformée de sa mort.
La deuxième erreur se trouve dans une lecture erronée de 2 Corinthiens 8:9 : « En effet, vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ : pour vous il s'est fait pauvre alors qu'il était riche, afin que par sa pauvreté vous soyez enrichis. » Une lecture peu approfondie de ce passage nous porterait à croire que Paul fait référence à un accroissement de nos biens matériels, alors qu’une lecture rigoureuse du contexte démontre le contraire. Paul enseigne aux Corinthiens à se dépouiller de leurs richesses pour la cause de Christ au regard de ce qu’il a accompli pour eux à la croix. Au verset 14, il les exhorte donc à donner de leurs biens à leurs frères pauvres parce que « dans les circonstances actuelles votre abondance pourvoira à leurs besoins » (2 Co 8:14).
3. Les chrétiens donnent pour qu’en retour Dieu les comble de biens matériels.
Il est frappant de constater combien les théologiens de l’évangile de la prospérité se focalisent sur l’acte même de donner. Ils pressent leurs fidèles de donner de manière généreuse et les bassinent de propos charitables tels que « La vraie prospérité, c’est se servir de la puissance de Dieu afin de combler les besoins de l’être humain dans tous les domaines » et « Nous sommes appelés à financer l’évangile pour le monde. » Ces propos semblent certes louables, mais l’acte de donner est basé sur des motivations qui sont tout sauf philanthropiques. Robert Tilton appelle « Law of Compensation » (Tdt : La loi de la compensation) ce qui pousse les chrétiens à donner. S’ils sont généreux, Dieu leur donnera bien plus que ce qu’ils ont eux-mêmes donné. Le cycle est sans fin ! Cet enseignement est, pour eux, basé sur Marc 10:30.
Dans son livre de 2012, God’s Will is Prosperity, (Tdt : Dieu veut la prospérité), Gloria Copeland dit que si on « donne 10 $, on recevra 1,000 $ ; pour 1,000 $, on recevra 100,000 $… Finalement Marc 10:30 est une super affaire ! » Il semble évident qu’ici l’acte de donner est basé sur de mauvaises motivations. Alors que Jésus enseigne dans Luc 10:35 à donner sans rien attendre en retour, les théologiens de l’évangile de la prospérité enseignent qu’il faut donner pour recevoir beaucoup en retour.
4. La foi est une force spirituelle auto-générée qui conduit à la prospérité
Alors que, dans le monde chrétien, la foi est considérée comme la confiance placée dans la personne de Jésus-Christ, pour les théologiens de l’évangile de la prospérité, c’est une « force spirituelle, une énergie spirituelle, une puissance spirituelle. Par elle, les lois qui régissent le monde spirituel fonctionnent » (Kenneth Copeland, The Laws of Prosperity). « Dans la Parole de Dieu, on trouve des lois régissant la prospérité. La foi les fait fonctionner. » Cette compréhension de la foi est fausse, et constitue même une hérésie.
Selon la théologie de la prospérité, la foi n’est pas le fruit de l’initiative de Dieu résultant d’un acte de la volonté mais c’est le fruit de la volonté humaine dirigée vers Dieu.
Toute théologie qui considère la foi comme moyen d’acquérir des richesses matérielles plutôt qu’un moyen de justification devant Dieu doit, au mieux, être déclarée inadéquate.
5. La prière est un moyen pour forcer Dieu à accorder la prospérité.
Pour les prédicateurs de l’évangile de la prospérité, « vous ne possédez pas parce que vous ne demandez pas » (Jacques 4:2). Ils encouragent leurs auditeurs à demander à Dieu de réussir dans tous les domaines de leur vie. Creflo Dollar écrit que « Si on prie en croyant qu’on a reçu l’exaucement, Dieu est obligé d’exaucer nos prières… C’est la clé pour obtenir des résultats en tant que chrétien. »
Prier pour que Dieu nous accorde des bénédictions à titre personnel n’est pas fondamentalement mauvais, mais l’évangile de la prospérité met un accent démesuré sur l’homme. Ainsi, la prière devient un moyen pour forcer Dieu à donner ce à quoi chacun aspire. La prière est alors centrée sur l’homme, et non sur Dieu. Il est étonnant de constater combien ces prédicateurs oublient la deuxième partie du verset de Jacques : « Quand vous demandez, vous ne recevez pas parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions » (Jacques 4:3). Dieu ne répond pas aux requêtes égoïstes qui déshonorent son nom.
Il est évident que nous devons faire connaître à Dieu toutes nos requêtes (Ph 4 :6), mais l’évangile de la prospérité met un accent si fort sur les désirs de l’homme qu’il peut en résulter des prières égoïstes, creuses, superficielles qui ne glorifieront pas Dieu. Cette façon de percevoir la prière, associée à ce qui a été dit plus haut de la foi, pourrait faire croire que l’on peut manipuler Dieu. Essayer serait bien futile ! Que l’on est loin du « Que ta volonté soit faite. »
Dieu ne répond pas aux requêtes égoïstes qui déshonorent son nom.
Un faux évangile
A la lumière des Écritures, l’évangile de la prospérité est fondamentalement faux.
La relation entre l’homme et Dieu est perçue d’une manière complètement erronée. Autrement dit, si l’évangile de la prospérité est vrai, la grâce devient obsolète, Dieu n’a plus d’importance, et l’homme devient la mesure de toute chose. Que ce soit pour l’Alliance conclue avec Abraham, le sacrifice de Christ, les dons, la foi ou encore la prière, la relation qui existe entre Dieu et l’homme est définie comme un échange de bons procédés, une sorte de donnant-donnant. En 1990, James Goff écrit dans Christianity Today que Dieu est « réduit à un simple groom cosmique pourvoyant aux besoins et désirs de sa création. »
Cette façon de percevoir la relation qui existe entre Dieu et l’homme est profondément inadéquate et va à l’encontre de ce que dit la Bible.
David W. Jones
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