60. La lettre à Philémon

04/07/2021 00:32
Emprisonnement de Paul à Jérusalem, à Césarée et à Rome.

60. La lettre à Philémon

Paul dicte sa lettre à Philémon

Paul dicte sa lettre à Philémon.
Pour souligner le caractère cordial et touchant de cette lettre le dessinateur ajoute à la scène un coeur qui s'envole

La lettre à Philémon est la plus courte des épîtres de Paul - vingt-cinq versets dans un unique chapitre -, et c’est l’une des plus émouvantes. À travers ce qui semble une simple requête, nous retrouvons une belle illustration de l’esprit caritatif de l'Église du 1er siècle. Cette charité va au-delà de toutes conditions sociales.

Philémon, à qui la lettre est adressée, a été baptisé par Paul qui le traite d'ami et de collaborateur. Il habite Colosses ou quelque ville voisine et la communauté chrétienne se réunit chez lui. Ce billet familier dicté à Timothée, met en lumière le tact et l’amitié de Paul. C'est la seule lettre «privée» que nous possédions de l’Apôtre des nations. Elle nous permet d'assister à la lutte menée par le christianisme primitif sur le plan social. Elle est très touchante, car elle nous montre Paul dans un geste noble de bonté et de compassion.

Le jeune esclave Onésime confie sa peur à Paul qu'il sait être l'ami de son maître Philémon.

Le personnage principal de cette lettre est le jeune esclave Onésime qui avait probablement commis quelque délit et s’était enfui pour éviter d’être puni. Il échoua finalement à Rome, lieu de rendez-vous de tous les individus louches et en cavale. Dans la plus grande ville du monde, il était possible de disparaître dans la foule, mais Onésime se trouve bientôt dépourvu de moyens et la police romaine poursuit avec acharnement les vagabonds et les esclaves en fuite. Il est hors-la-loi, et pratiquement acculé à une carrière criminelle. Désespéré et pris de panique, Onésime va visiter Paul, prisonnier à Rome. Le jeune esclave l’avait probablement connu chez son maître Philémon qui, avec sa femme Appia, étaient les amis de l'Apôtre. En toute simplicité, Paul plaide en faveur de l’esclave Onésime et se permet de s'inviter chez Appia et Philémon.

Le cas d’Onésime est sérieux. Quand on reprenait un esclave qui s'était enfui, on avait l’habitude de le marquer au fer rouge, d'un F sur le front (fugitivus = fuyard). Un esclave qui avait volé, par exemple, pouvait être condamné à la bastonnade, jusqu'à ce que mort s'ensuive, ou encore être envoyé dans le pistrinum, où il devait tourner le moulin à perpétuité.

Paul écrit pour Onésime

Paul écrit à Philémon pour faire appel à son indulgence envers Onésime; il lui suggère même de l'affranchir.

Après la rencontre avec Onésime, Paul prisonnier dans son logis, renvoie le jeune esclave à son maître en le priant de le traiter comme un frère. Il plaide l’indulgence et suggère discrètement de l'affranchir : «Je l'aurais bien gardé près de moi, à ta place, dans la prison où je suis à cause de l'Évangile ; mais je n'ai rien voulu faire sans ton accord, afin que ce bienfait n'ait pas l'air forcé, mais qu'il vienne de ton bon gré.» Paul détient envers Philémon une paternité spirituelle car il l’a baptisé. Il connaît la nature droite et noble de son interlocuteur, auquel il n'est pas nécessaire de donner des ordres. Il en appelle plutôt à la loi de l'amour.

Reconciliation - D'esclave à fils

D'esclave à frère!
...Paul ose le demander: reprendre Onésime «non plus comme un esclave mais comme bien mieux qu'un esclave : un frère bien-aimé» (Philémon 16)

«Moi Paul, un vieillard !» Philémon voit devant lui la figure ridée de l'Apôtre, émouvante humilité de l'homme âgé en face d'un plus jeune ! La saisissante peinture de Rembrandt, représentant Paul sous les traits d'un vieillard, s'impose à notre regard. Paul est un prisonnier qui ne songe pas à sa propre misère, mais à celle d'autrui. Il invite Philémon au pardon. «Tu croyais subir une perte, mais voici que tu viens de faire une bonne affaire : au lieu d'un esclave, il te revient un frère»

Onésime apporte à Philémon la lettre de Paul

L'esclave Onésime revient chez Philémon et lui remet en main propre la lettre de Paul

L'épître à Philémon n'est pas seulement un chef-d'oeuvre de tact et de politesse, elle est également une esquisse de déclaration chrétienne des droits de l'homme. Paul ne pouvait songer à proclamer l'abolition de l'esclavage. L'Empire romain comptait alors beaucoup plus d'esclaves que de citoyens libres et ils représentaient une part importante des richesses de l’Empire. Les maisons comptant plusieurs milliers d'esclaves n'étaient pas rares. Sénèque dit qu'ils ne portaient pas d'habits différents de ceux des autres citoyens, afin qu'ils ne se rendent pas compte de leur supériorité numérique. Des millions d'esclaves s'affairaient dans les maisons, dans les propriétés agricoles, dans les fabriques, les tanneries. Toutes les oeuvres d'art sortaient de leurs mains, de même que tout le luxe artistique. Paul ne pouvait intervenir que dans le sens d'une amélioration du sort des esclaves. La proclamation de l'abolition de l'esclavage aurait provoqué des représailles sanglantes, comme ce fut le cas lors de la révolte des gladiateurs avec Spartacus. L'Antiquité classique, Aristote même, n'a rien vu de mal dans l'institution sociale de l'esclavage.

L'esclavage a toujours été à la base de toutes les civilisations antiques.
À Rome, les esclaves étaient en forte majorité mais sans le moindre droit et
leur situation était cruelle.
Onésime pouvait s'attendre au pire.

Selon le droit, la situation des esclaves était cruelle. «Il n'y a pas d'acte illégal vis-à-vis d'un esclave»; tout le monde admettait ce principe. Le traitement pratique des esclaves était cependant meilleur que leur situation juridique. Ce sont les Juifs qui montraient le plus d'humanité à l'égard de leurs esclaves, puisque personne ne pouvait être esclave chez eux pendant plus de sept ans. Ils devaient être libérés pendant l’année sabbatique. Les Grecs en général étaient plus cléments pour leurs esclaves que les Romains. Sénèque écrit à Néron : «Sois bon envers tes subordonnés; car toute la ville de Rome montre du doigt, avec dégoût, le maître qui est cruel vis-à-vis d'un esclave».

Paul avait déjà posé les fondements des droits de l’homme dans sa lettre aux Galates, lorsqu'il proclama l’égalité en Jésus Christ :

«Vous tous en effet baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ; il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus.» (Gal 3, 28).

Les Grecs et les Romains défendaient aux esclaves de s’associer à la religion officielle. On ne leur permettait que la pratique du culte des divinités champêtres d'un rang secondaire. Contrairement à cette position officielle, Paul proclame l'égalité de tous sur le plan religieux :

«Tous, en effet, nous avons été baptisés en un seul Esprit pour ne former qu'un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres; et nous avons été tous abreuvés du même Esprit» (1 Cor. 12, 13).

L’Église primitive a maintenu cette estime de l'homme, fût-il de la condition d'esclave. L'esclave put accéder à toutes les fonctions ecclésiastiques. Quelle étrange nouveauté : l'Église de Rome fut dirigée tantôt par le descendant d'une grande famille, comme le pape Corneille, tantôt par un ancien esclave, le pape Calliste qui se serait enfui, aurait été rattrapé et condamné aux peines infamantes des mines et de la roue tournante. Même si, au Moyen Âge, l’élite romaine domine en large mesure la hiérarchie de l’Église, on fit néanmoins preuve d'une belle reconnaissance vis-à-vis saint Paul, en se référant expressément à lui dans les documents d'affranchissements, où on invitait les propriétaires à libérer leurs esclaves : «Mais puisque Paul le fit entendre avec une voix puissante : Désormais il n'y a plus d'esclave, mais uniquement des gens libres... voici que je veux te rendre libre, à partir de ce jour, toi, mon esclave que j'ai acheté à prix d'or».

Tout ce qui participe à une authentique liberté pour les êtres humains, puise dans l'héritage spirituel de Paul

Tout ce qui participe à une authentique liberté pour les êtres humains, puise dans l'héritage spirituel de Paul, interprète fidèle du Christ. «Moi, Paul, prisonnier pour le Christ Jésus, je te prie pour mon enfant, Onésime, que j'ai engendré dans les chaînes.» Paul qui au temps du sanguinaire Néron, a prononcé ces paroles empreintes d'une telle bonté, quand il était lui-même enchaîné, reste béni à jamais. Il invite Philémon de reprendre Onésime «non plus comme un esclave mais comme bien mieux qu'un esclave : un frère bien-aimé» (Philémon 16). S'il a fallu des siècles pour que l'Église mette en oeuvre cette leçon, ce n'est certainement pas de la faute de Paul.

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