Clément Marot

10/08/2016 13:09
Clément Marot
Description de l'image ClementMarot.jpg.
 
Naissance
Cahors
Décès  (à 47 ans)
Turin
Activité principale Poète
Auteur
Langue d’écriture Français
Genres Poésie

Œuvres principales

  • L’adolescence clémentine (édité en 1532)
 

Clément Marot, né à Cahors le 

 (ou pendant l’hiver 1495 ?) et mort le  (à 47 ans) à Turin, est un poète français.

« Bien qu'encore marqué par l'héritage médiéval, Clément Marot est l'un des premiers grands poètes français modernes. Précurseur de la Pléiade, il est le poète officiel de la cour de François Ier. Malgré la protection de Marguerite de Navarre, sœur du roi de France François Ier, ses sympathies marquées pour laRéforme et pour Luther lui ont cependant valu la prison puis l'exil en Suisse et en Italie. »

 

***

CLÉMENT MAROT 
 
 
 
Clément Marot naquit vers l’année 1495-6 à Cahors dans le Quercy. Son père, Jean Marot, natif de Caen, avait deux professions : celle de poète de la première épouse de Louis XII, la magnifique Anne de Bretagne, la seconde, celle de valet de chambre de François Ier. 
 
      Jean Marot, qui ne s’était pas enrichi en écrivant des vers, résolut de faire de son fils un procureur, et le mit chez un homme de loi pour l’instruire dans la pratique. Il ne demeura pas longtemps chez son patron, qui avait de lui la plus mauvaise opinion. « Ce garçon, disait-il, ne fera jamais rien. » En effet, il fut complètement inconnu dans les palais de justice, mais il eut une belle place dans le temple de l’immortalité. 
 
      Notre jeune clerc était né poète ; faire des vers, c’était sa vie ; il leur dut sa gloire et ses malheurs. Son père, voyant qu’il perdait son temps, lui fit effectuer son apprentissage de page chez Nicolas de Neuville, seigneur de Villeroy, qui admira sa gentillesse et l’honora de sa protection ; le jeune page fit, en l’honneur de son illustre patron, des vers qui furent beaucoup admirés, et lorsqu’il fut admis à la cour, il y fut précédé par sa réputation naissante. François Ier, qui aimait les arts et les lettres, recommanda le jeune poète à sa sœur, Marguerite de Valois, qui l’accueillit gracieusement. 
 
      Pour se placer au premier rang parmi ceux qui fréquentaient la cour, il aurait fallu à Clément Marot un nom moins roturier que le sien et assez de fortune pour faire belle figure ; mais il n’avait que du génie et de l’esprit ; pendant qu’on admirait ses vers, on riait de sa garde-robe. 
 
    Notre poète souffrait de son état de dénuement et demandait à sa protectrice de le coucher sur l’état de sa maison, car ses vers ne lui rapportaient que des applaudissements. Un jour, dans sa détresse, il lui adressa ceux-ci : 
 
 
Princesse au cœur noble et rassis,
La fortune que j’ai suivie
Par force m’a souvent assis
Au froid giron de triste vie ;
 
 
De m’y seoir encor me convie ;
Mais je répons (comme fâché) :
D’être assis je n’ai plus d’envie,
Il n’est que d’être bien couché.
 
 
 
      La princesse, dont le cœur était aussi généreux que l’intelligence était vive, le coucha sur l’état de sa maison et lui assura des appointements. À dater de ce moment, Clément Marot s’abandonna sans réserve à son penchant pour la poésie. En parlant de lui, il nous dit : 
 
Sur le printemps de sa jeunesse folle
Il ressemblait l’hirondelle qui vole,
Puis çà puis là, l’ange le conduisait
Sans peur ni soins, où le cœur le menait.
 
 
 
      Clément Marot n’était pas né soldat ; cependant, quand il avait le harnais sur le dos, il se battait comme un autre ; il était Français. Nous le trouvons à la fameuse et désastreuse bataille de Pavie, où il combattit à côté du duc d’Alençon, le mari de Marguerite de Valois ; il y fut blessé et fait prisonnier. Quand il obtint de rentrer en France, il n’y fut pas longtemps en repos, car il y arriva au moment où le clergé avait une peur effroyable du luthéranisme. Or, Marot, tout mondain qu’il était, devait être soupçonné, car tous ceux qui, à cette époque, prenaient la liberté de penser et d’écrire, étaient suspects. Notre poète fut donc accusé d’être luthérien, et, par conséquent, menacé d’être pendu ; or, comme il n’avait nullement le goût du martyre, il protesta de son orthodoxie. 
 
 
Point ne suis Lutheriste
Ni Zwinglien et moins anabaptiste,
 
    écrivait-il ; mais cela ne l’aurait sauvé ni du feu ni de 1a corde, s’il n’avait trouvé de puissants protecteurs qui l’arrachèrent, avec beaucoup de peine, des mains de ses accusateurs et lui donnèrent pour prison la plus agréable des retraites, l’hôtellerie de l’Aigle à Chartres, où il reçut la visite des personnes les plus considérables de la ville, avides de voir un homme qui commençait à remplir la France de son nom. 
 
      Marot demeura à Chartres, d’où il revint à Paris au retour de Marguerite de Valois de Madrid  {1} ; la princesse prit ouvertement le poète sous sa protection, et celui-ci lui en témoigna sa reconnaissance en beaux vers ; il l’appelait « sa sœur en Apollon. » Quand la princesse le ramena avec le roi de Navarre, elle continua de le garder dans sa maison. 
 
      Obligé de vivre comme un gentilhomme, de porter des dentelles, des habits brodés, des chapeaux galonnés, et de faire bonne figure à la cour, il sentait plus qu’un autre les durs aiguillons de la pauvreté : lui, le prince des poètes, demandait l’aumône et vivait d’aumônes royales. 
 
      Qui aurait vu ce familier de la cour la plus brillante de l’univers, au milieu des plus grands seigneurs et des plus belles dames, ne se serait jamais imaginé qu’il était plus pauvre que l’ouvrier de nos fabriques. À la mort de son père, notre poète demanda au roi la place de valet de chambre que celui-ci avait occupée auprès de lui. Il l’obtint enfin, à force d’instances ; dès lors il fut dans une plus heureuse position et connut les douceurs de la famille, car il se maria. 
 
     Il était parvenu au plus haut point de gloire qu’un poète peut désirer quand, tout à coup, survint la fameuse affaire des placards. Le poète n’y avait pris aucune part, car il n’avait ni la piété, ni la fougue d’un nouveau converti, et il aimait, par-dessus tout son repos ; mais par son esprit mordant il s’était fait beaucoup d’ennemis parmi les magistrats et les prêtres, qui furent heureux de trouver une occasion de se venger du malicieux poète. Ils firent opérer une descente dans son domicile à Paris, au moment où il était à Blois avec le roi. Fort de son innocence, Marot voulait aller à Paris pour confondre ses ennemis ; mais ses amis, qui mieux que lui connaissaient l’esprit du clergé, l’en dissuadèrent, et lui conseillèrent la fuite. Il céda à leurs conseils et se déclara, par cela même, coupable, en se réfugiant dans le Béarn, auprès de sa protectrice, Marguerite de Valois. Là, du fond de son exil, il écrivit une épître en vers à François Ier, dans laquelle il sollicitait noblement le rappel de tous ceux qui avaient été bannis du royaume pour cause de religion. 
 
      Après quelque temps de séjour à Pau, Marot alla à Ferrare, où Renée de France l’accueillit avec sa bienveillance accoutumée. Marot y arriva en même temps que Calvin. Ces deux hommes n’avaient aucun point de contact ; autant le poète était gai, joyeux, autant l’auteur de l’Institution chrétienne était grave et austère. 
 
      Quoique léger et frivole, Marot ne manquait ni de noblesse de cœur, ni de sérieux dans l’esprit ; le malheur développait en lui les bons germes de sa riche nature, et il apprenait plus à l’école de l’adversité qu’à la cour des rois. Le beau ciel de l’Italie devait naturellement lui plaire, ainsi que la société brillante et lettrée qu’il trouvait à la cour de la duchesse de Ferrare ; mais il aimait son pays, Paris surtout ; il demanda donc son rappel, qu’il obtint, et rentra dans sa patrie. 
 
      Le retour du poète à la cour fut un véritable triomphe ; il y arriva en 1536. Quand les courtisans virent que le roi lui rendait ses bonnes grâces, chacun le fêta. Jusqu’alors, Marot n’avait fait que des poésies légères ou des satires ; en 1540, il eut l’heureuse idée de mettre les psaumes en vers. Il ne connaissait pas l’hébreu, mais Vatable, l’homme de France qui connaissait le mieux cette langue, les traduisit en prose, et lui les mit en vers. 
 
     Cette traduction excita l’admiration générale, et lorsque, en 1540, Charles-Quint passa à Paris, François Ier lui présenta son poète. Le monarque espagnol l’accueillit généreusement, le loua, et lui donna deux cents doublons. 
 
      Ce don royal encouragea Marot à continuer ses traductions. Son succès fut complet ; les plus célèbres musiciens mirent ses vers en musique ; on les chantait partout, à la cour surtout ; la Sorbonne s’irrita, car elle s’apercevait que, plus on chantait les psaumes, plus on voulait lire l’Écriture sainte, ce qu’elle regardait comme le plus grand péril qui pourrait menacer la sainte Église romaine. Elle n’aurait pu poursuivre le poète favori de la cour, si celui-ci n’avait mis en vers les dix commandements de Dieu, le deuxième surtout, qui défend de faire des images taillées et de les servir. Le voici : 
 
Tailler ne te feras image
De quelque chose que ce soit.
Si honneur lui fais et hommage,
Ton Dieu jalousie en reçoit.
 
 
 
      Il n’y avait certes là rien que de très innocent, et le clergé, en voyant dans ces vers une hérésie, accusait Dieu, car c’est lui qui a dit : 
 
 
« Tu ne te feras aucune image taillée ! »
 
    Marot fut obligé de s’enfuir, et se réfugia, en 1543, à Genève, où il trouva Calvin qu’il avait vu à la cour de Ferrare. Le réformateur l’accueillit avec bienveillance et, bon juge de son mérite, il l’engagea à publier les cinquante psaumes qu’il avait traduits, et daigna les honorer d’une belle préface ; c’est alors que Marot les fit paraître et les dédia aux dames de France. 
 
O bien heureux qui voir pourra
Florir le temps que l’on verra
Le laboureur à sa charrue,
Le charretier parmi la rue,
Et l’artisan en sa boutique
Avec un psaume ou un cantique
En son labeur se soulager ;
Heureux qui verra le berger
Et la bergère aux bois estans
Faire que rochers et estang
Après eux chantent la hauteur
Du saint nom de leur créateur.
Souffrirez-vous qu’à joie telle
Plutôt que vous Dieu les appelle ?
Commencez, dames, commencez,
Le siècle doré avancez
En chantant d’un cœur débonnaire
Dedans ce saint cancionnaire,
Afin que du monde s’envolle
Ce Dieu inconstant, d’amour folle
Place faisant à l’amiable
Vrai Dieu, d’amour non variable.
 
    Si les psaumes de Marot n’avaient pas été mis en musique, ils n’auraient jamais obtenu un aussi immense succès ; mais dès qu’on commença à les chanter, tout le monde voulut les connaître. 
 
      La musique est une grande puissance, car elle s’associe à tous les instincts, bons et mauvais, de notre nature et nous pousse au mal et au bien, mais plus au bien qu’au mal ; elle fortifie, console, encourage, fait rire et pleurer. La mère chante près du berceau de son enfant, pour apaiser ses cris ; le soldat chante en allant à la mort ; les juifs exilés à Babylone chantaient sous les saules de l’Euphrate ; on chante dans les églises, dans les cimetières, dans le ciel ; où ne chante-t-on pas ? Mais il y a des époques où l’on chante davantage, et l’une de ces époques fut celle qui suivit la mise en musique des psaumes de Marot ; les protestants qui ne voulaient plus chanter en latin, parce que saint Paul veut que le culte se célèbre en langue connue, étaient heureux de pouvoir le faire en langue comprise. 
 
      Il y avait à Paris une jolie promenade appelée le Pré-aux-Clercs ; elle était le rendez-vous habituel des étudiants de l’université, dont beaucoup faisaient partie de l’église protestante. Ces jeunes gens, avec l’heureuse insouciance qui caractérise leur âge, se mirent à chanter des psaumes mis en musique par les plus habiles musiciens de l’époque ; cette harmonie douce, grave, profondément religieuse, attira l’attention de leurs camarades, qui quittèrent tout aussitôt leurs jeux, accoururent avec eux et mêlèrent leurs voix aux leurs. 
 
      Les passants, étonnés, se disaient : « Que signifie cela ? » et ils se sentaient émus, car les chanteurs l’étaient eux-mêmes. 
 
      Le lendemain, les chants recommencèrent, l’affluence des auditeurs était plus grande que la veille ; mais ce qui les surprit, ce fut de voir arriver Antoine de Bourbon, roi de Navarre, accompagné du célèbre ministre Chandieu et de plusieurs grands personnages de la cour. Le roi se mit à la tête du chœur, qui fit plusieurs fois en chantant le tour du Pré-aux-Clercs. Pendant plusieurs jours, cette scène se renouvela, et, quoique l’affluence des auditeurs soit immense, l’ordre le plus parfait ne cessa pas de régner, car tout, dans cet acte, était sérieux. 
 
    Quand les prêtres apprirent ce qui se passait au Pré-aux-Clercs, ils prirent l’alarme, et non sans raison, car ces chants qui retentissaient, étaient une protestation publique contre la papauté. Ils se plaignirent au roi, Henri II, qui défendit, sous des peines très sévères, « de chanter les psaumes de Marot en plein air. » La défense arriva trop tard ; un grand nombre de ceux qui avaient assisté aux chœurs des étudiants, avaient reçu dans leurs cœurs la divine semence de l’Évangile. Dieu a plusieurs moyens pour conduire les pécheurs à la vérité. 
 
      Marot fut donc l’un des nombreux instruments dont le Seigneur se servit pour propager son saint Évangile, quoique notre poète ne soit pas, lui-même, un homme des plus sérieux, comme nous le prouve son séjour à Genève. 
 
      Cette ville commençait alors à devenir morale après avoir été profondément corrompue, sous la direction de son évêque, Pierre de La Baume. Calvin l’avait placée sous un joug dur, austère, car ce grand homme sentait qu’elle ne pouvait être agréable à Dieu qu’à la condition de faire respecter son saint nom ; le réformateur donnait lui-même l’exemple ; sévère pour lui-même plus encore que pour les autres, il ne voulait dans la cité ni ivrognes, ni intempérants, ni baladins, ni jureurs, ni blasphémateurs, ni joueurs. Il avait fait voter des lois qui punissaient quelquefois de peines très sévères ceux qui transgressaient les commandements de Dieu. On comprend facilement comment Marot, qui avait vécu au milieu d’une cour élégante et corrompue, dut trouver ennuyeuse la vie qu’on menait à Genève. Si son cœur avait été touché par la grâce de Dieu, loin de trouver ce joug pesant, il l’aurait trouvé léger ; mais quand l’homme cherche ses joies dans les plaisirs du monde, il est impossible qu’il les trouve dans la piété ; si Marot, au lieu de respirer l’air vicié des cours, avait été le compagnon fidèle d’un réformateur, il aurait connu tout ce qu’il y a de délices dans la voie étroite et aurait dédaigné celles qu’on trouve dans la voie large. Pour son malheur, il avait eu un mauvais entourage ; aussi, ne pouvant s’accoutumer à la vie austère de Genève, il quitta cette ville et alla se réfugier en Piémont. 
 
     François Ier qui n’avait pas eu le courage de défendre son poète contre ses ennemis (cela lui aurait été si facile ! puisque Marot, quoique protestant de conviction, n’avait pas abjuré publiquement), ne voulut pas cependant l’abandonner dans son exil ; il le protégea dans sa retraite, retraite bien triste pour un homme d’imagination comme l’était notre poète, qui aimait toujours le bruit, l’éclat des fêtes, les plaisirs, les conversations spirituelles des hommes de lettres de Paris ; cependant, il ne faut pas être injuste à son égard, il montra souvent de l’énergie et du courage ; il aurait pu se déclarer ouvertement catholique, faire même des vers contre les protestants, il ne le fit pas, et eut le respect de lui-même. Si dans ses poésies, adressées aux grands du monde, il est souvent courtisan et louangeur, n’oublions pas que ce tort ne tient pas à son caractère, mais à l’habitude qu’avaient alors les savants, même les plus graves, de dédier leurs ouvrages aux grands personnages, qui recevaient leur encens comme une chose qui leur était due ; n’oublions pas que Marot était un roturier et que le moindre gentillâtre de province se croyait d’une autre nature que celle du manant. 
 
      François Ier, après sa fameuse victoire de Cérisoles, qu’il remporta le 14 mars 1544, vit accourir vers lui son poète qu’il accueillit avec son affabilité accoutumée ; ce fut la dernière fois qu’ils se revirent. 
 
      Les chagrins, les déceptions, le mal du pays surtout, avaient miné la santé de Marot, qui mourut à Turin, peu de temps après sa visite au roi. Il avait à peine cinquante ans et laissait un nom immortel. 
 
      Il mourut pauvre, lui qui avait enrichi ses libraires qui lui abandonnaient la gloire et se réservaient le profit énorme que leur rapportaient ses écrits ; ils allaient en voiture, pendant que l’homme de génie allait à pied. Telle était alors la destinée des gens de lettres ; on les croyait assez payés quand leur nom volait partout, de bouche en bouche. Plus tard, on vit Corneille, le plus grand génie dramatique qu’ait produit la France, ressemeler ses souliers. Ne plaignons cependant pas trop les hommes de génie ; sans l’adversité, ils ne seraient pas ce qu’ils sont ; c’est à cette dure école qu’ils grandissent. 
 
     Marot fut inhumé à Turin, dans l’église de Saint-Jean ; son ami, Lyon Jamet, lui fit une épitaphe louangeuse, dans laquelle il parlait de tous ses titres à l’immortalité. 
 
      Aujourd’hui, les noms de la plupart des persécuteurs de Marot sont ensevelis dans l’oubli, tandis que le sien est toujours vivant ; il doit être cher aux protestants, qui seraient ingrats s’ils l’oubliaient ; ils se rappelleront donc que notre poète, par ses psaumes, consola leurs pères dans leurs peines, dans leur exil, dans leurs cachots, et jusque sur leurs bûchers, sur lesquels ils montaient avec joie, en chantant ses vers. Ils se rappelleront surtout que Marot leur valut des régiments, quand, à l’heure d’une bataille, des milliers de voix huguenotes ou camisardes chantaient à l’unisson ce chant de guerre : 
 
 
Que Dieu se montre seulement,
Et l’on verra dans un moment
Abandonner la place ;
Le camp des ennemis épars,
Épouvanté de toutes parts,
Fuira devant sa face.
On verra tout ce camp s’enfuir
Comme l’on voit s’évanouir
Une épaisse fumée ;
Comme la cire fond au feu,
Ainsi des méchants devant Dieu
La force est consumée.
 
L’Éternel est notre recours,
Nous obtenons par son secours
Plus d’une délivrance.
C’est lui qui fut notre support
Et qui tient les clefs de la mort,
Lui seul, en sa puissance.
À nous défendre toujours prompt,
Il frappe le superbe front
De la troupe ennemie ;
On verra tomber sous ses coups
Ceux qui provoquent son courroux
Par leur méchante vie.
 
 
Israël ton Dieu, t’a fait voir
Et son amour et son pouvoir
Dans toute ta conduite.
Grand Dieu, montre encore en ce jour
De ce pouvoir, de cet amour
Une constante suite.
Seigneur, que ton nom glorieux
Soit révéré dans ces saints lieux,
Qu’honore ta présence !
A toi, qui fais notre bonheur,
A toi, grand Dieu, soit tout honneur,
Force et magnificence.
 
 
 
      Les psaumes de Marot furent mis en musique par Goudimel. Cet artiste célèbre naquit dans la Franche-Comté, probablement à Besançon. Les détails que nous possédons sur sa vie sont rares, car il se préoccupa plus de son art que de sa personne. En 1540, il était à Rome, où il tenait école et avait pour élèves des hommes qui devinrent remarquables ; entre autres Palestrina, qui fut le maître de Pergolèse, qui a composé le célèbre Stabat Mater dolorosa, qu’on chante chaque année, le vendredi saint, dans les églises catholiques. 
 
      Ce que Goudimel vit et entendit à Rome, dut probablement le dégoûter du papisme et le jeter dans les rangs des réformés, car il se rendit à Genève, sur les invitations de Calvin, et travailla, de concert avec le musicien Bourgeois, à mettre en musique les psaumes de Marot. 
 
    Un fait bon à rappeler, c’est que le protestantisme, comme on l’en accuse tous les jours, est si peu l’ennemi des lettres et des arts, qu’il a fourni à la France du seizième siècle ses plus grands poètes dans Clément Marot et Théodore-Agrippa d’Aubigné, son premier écrivain dans Calvin, son plus célèbre statuaire dans Goujon, son premier potier dans l’illustre Bernard Palissy, et ses plus célèbres musiciens dans Goudimel et Guillaume Frank. Si, plus tard, les réformés ne cultivèrent pas les arts, c’est qu’ils en furent empêchés par les persécutions, qui ne leur laissèrent pas de repos. Revenons à Goudimel. Il jouit de son vivant d’une réputation universelle, et « de l’aveu même des historiens catholiques, disent les frères Haag, il exerça une heureuse influence, non seulement sur les mœurs du clergé romain, mais aussi sur le culte. Le chant religieux se releva de l’état d’avilissement, dans lequel il était tombé. » En effet, chose incroyable ! dans certaines églises le prêtre imitait la voix de l’âne et le chant du coucou ! 
 
      En 1572, notre artiste était à Besançon, pour mener à bonne fin un procès contre un débiteur de mauvaise foi. Dans le courant de cette sinistre année il arrivait à Lyon, où il fut atteint d’une fièvre maligne, qui, pendant un mois, le fit souffrir cruellement. Toujours occupé de son art, il multipliait ses belles mélodies et il les composait avec tous les élans d’une belle âme et d’un cœur chrétien. De longs jours lui paraissaient encore réservés quand, tout à coup, la cloche de Saint-Germain-l’Auxerrois donna, dans la nuit du 24 août 1572, le signal du massacre des protestants. L’ordre d’extermination partit de la capitale et arriva dans les principales villes de France. 
 
      Lyon eut sa Saint-Barthélemy, elle fut horrible, atroce. Les cadavres étaient amoncelés sur les quais, le sang roulait par torrents ; pendant plusieurs jours, le Rhône roula dans ses flots épouvantés les corps des victimes. Quand ils arrivèrent à Arles, la population fut épouvantée, et, pendant plusieurs semaines, les Arlésiens ne voulurent pas se servir des eaux du fleuve ; elles leur faisaient horreur. 
 
      Goudimel se trouva au nombre des victimes. Le grand artiste fut égorgé, et celui que les sauvages auraient épargné, s’ils avaient entendu ses chants mélodieux, ne trouva ni grâce ni pitié devant les assassins ; car, hélas ! dans ce moment, il en était de la France, sous Charles IX, comme de Rome sous Néron. 
 
     « La mémoire de Goudimel, dit Crespin, sera perpétuelle pour avoir heureusement besogné (travaillé) sur les psaumes de David en français, la plupart desquels il mis en musique en forme de motets à 4, 5, 6 et 8 parties, et, sans la mort, il aurait, tôt après, rendu cet ouvrage accompli ; mais les ennemis de la gloire de Dieu et quelques méchants, envieux de l’honneur que ce personnage avait acquis, ont privé d’un tel bien ceux qui aime une musique chrétienne. » 
 
Notes 
 
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{1} Elle avait fait ce voyage pour négocier avec Charles-Quint la rançon de son frère. 
 

 

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