Ézéchiel, 37 / 1 à 14

28/08/2021 00:40

Ossements desséchés

 

Ézéchiel, 37 / 1 à 14

Vision d’horreur : une vallée « pleine d’ossements »… Mais la Bible n’a guère l’habitude de faire dans le gore ! Alors quoi ? Rappelez-vous le psaume : « Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi… » (Ps. 23 / 4) N’ayez donc aucune peur, ni pour cette prédication, ni pour ce dont elle parle ! Vous ne craignez rien. Vous qui participez à la vision d’Ézéchiel, vous ne craignez rien. Et même si vous participez de cette vision, vous ne craignez rien. D’ailleurs, c’est bien ce que je vais vous dire : vous participez, nous participons, de ce qu’Ézéchiel voit. C’est de nous, évidemment, que parle ce texte, que parle cette vision… Sinon, pourquoi la lire, pourquoi la regarder ?!

Regarder. Toujours on oublie ça, quand on lit le récit d’une vision, dans la Bible. Une vision n’est pas une doctrine. C’est une vision, c’est une image, c’est un film. Ça se regarde, pour se comprendre. Comprendre, prendre avec, être pris avec. Regardez : vous êtes pris avec ce que voit le prophète… Frères et sœurs, « la main de l’Éternel est sur [vous] » comme elle fut sur Ézéchiel, et voici : vous êtes au milieu de cette vallée. Regardez autour de vous. Mais avant de vous demander ce que sont ces os, suivez le fil de la vision, ne commencez pas par la fin, respectez l’auteur de l’image, le réalisateur du film, Dieu lui-même. Et au début du film, on ne se demande pas ce que sont les os ; mais c'est une autre question qui retentit à nos oreilles : « Fils d’homme, ces os pourront-ils revivre ? » La suite va prouver que oui…

Ne cherchez pas dans quelle vallée cela se passe. Puisque vous y êtes, c’est donc la vallée dans laquelle vous êtes ! Monsieur de la Palice n’aurait pas dit autre chose… Alors regardez autour de vous, là où vous êtes, non pas forcément sur ces chaises-ci, mais à tout moment de votre existence, si alors vous recevez cette vision. Regardez où vous êtes, et entendez la question du Créateur de l’univers, la question qu’il vous adresse à vous : « Fils d’homme, ces os pourront-ils revivre ? » Ah ! Vous n’aviez peut-être pas réalisé où vous étiez ? Vous n’aviez peut-être pas vu qu’il n’y avait là que des squelettes desséchés ? Vous aviez cru que c’était vivant ? En fait, c’est votre vision naturelle qui était gore ! Quand cette question retentit à vos oreilles, c’est que vous êtes au milieu non pas d’une bataille sanglante, mais bien d’un champ de ruines, au milieu de l’inerte, de l’ombre du souvenir de la gloire d’antan. Cimetière d’éléphants, peut-être, mais cimetière… Plus rien.

L’important – après la question à laquelle le prophète, moins pessimiste que nous peut-être, mais moins téméraire aussi, ne répond pas – l’important, c’est l’ordre que Dieu lui donne, au prophète. Car bien sûr Dieu n’attendait pas de réponse à sa question, elle était seulement rhétorique ! Mais désormais le prophète, lui, s’attend à une suite, et la voici, et c’est du travail qui lui est donné, ce qui est bien normal : il est là pour ça. Mais c’est un travail qui ne va rien lui coûter. Il va devoir parler à des os secs ! Il va devoir dire une promesse, à laquelle sans doute il ne comprend rien, à l’accomplissement de laquelle il ne peut rien – croit-il… Juste transmettre la parole d’un autre, la parole du Dieu qui s’engage, qui annonce ce qu’il va faire. Ce qu’il va faire sans contrepartie, évidemment : quelle contrepartie des os secs pourraient-ils offrir ?! Dieu va agir, Dieu va souffler, insuffler, son propre souffle, son Esprit.

Mais cela va se réaliser en deux temps, dans la vision d’Ézéchiel. Premier temps : le prophète obéit, il dit l’annonce que Dieu fait. Il reste en quelque sorte à la troisième personne, il reste spectateur, il se fait juste le porte-parole au futur d’une voix off. Et là, il y a des choses qui se passent. Mais ça s’arrête avant la fin. Ou plutôt avant le vrai début. Il y a l’apparence de la vie, il y a de vraies gens et non plus des ossements. Mais rien n’est vivant. Il y faut deux éléments qui n’ont pas été présents jusqu’à maintenant. Il faut que l’Esprit intervienne, et pas seulement des manipulations de la nature. Et il faut que le prophète le lui demande : il doit passer à la deuxième personne, il doit passer du futur à l’impératif. Il faut que le prophète s’engage lui-même. Alors là, deuxième temps : le miracle est très grand, les gens « reprirent vie et se tinrent sur leurs pieds. C’était une très, très grande armée », dit le texte.

Vous l’aurez peut-être noté, on ne sait pas la réaction du prophète à cette vision. Ni par rapport à la vision, ni par rapport à Dieu, ni même par rapport au sens de tout ceci. En fait, on se fiche de la réaction du prophète. Il n’est pas là pour réagir, pour avoir un avis et encore moins pour le donner. Seul Jérémie fera exception – sans succès d’ailleurs… Ah, et aussi Jonas, si tant est qu’il s’agisse là d’un vrai prophète ; mais de toute façon sa réaction, si elle est entendue par Dieu, ne modifie rien du tout ! Bref, un prophète est, en tant qu’humain, la même chose qu’un ange : seulement un porte-parole. Mais vous l’avez vu, un porte-parole dont la mission est essentielle, non pas seulement pour faire connaître, mais pour faire intervenir l’Esprit, ici, dans la vision. Même si c’est de la part de Dieu, il commande l’Esprit. Il le fait venir sur des gens qui, sinon, resteraient des morts.

Dans cette vision représentant la résurrection du peuple, comme Dieu l’explique finalement au prophète, eh bien pour moi ce matin, jour de Pentecôte certes, l’essentiel me semble bien être cette intervention, cette venue de l’Esprit, annoncée par Dieu, mais suscitée hic et nunc par le prophète lui-même dans son obéissance. Pour nous autres, chrétiens tourangeaux en 2013, il me semble qu’il n’y a que deux places possibles dans cette vision – je dis bien dans cette vision, n’ayez pas peur, vous « ne craignez aucun mal »… Il ne nous est pas possible de nous prendre pour Dieu, ce qui est bien et sain. Et il ne nous est pas possible de nous prendre pour l’Esprit, qui, comme vous le savez, « souffle où il veut ; on en entend le bruit, mais on ne sait pas d’où il vient ni où il va » (Jean 3 / 8)… ce qui n’est pas notre cas ! Il ne nous reste que deux places possibles : celle des ossements desséchés, et celle du prophète.

Je ne choisirai pas, parce que, je vous l’ai dit, c’est une vision, une image, un film, et toute identification joue sur tellement de niveaux que je ne puis vous dire que moi ou vous, nous sommes ceci ou cela. Ça ne voudrait rien dire. Car nous pouvons être, en tout ou en partie, ceci et cela. De plus, l’image ne montre pas le tout de notre réalité, personnelle ou communautaire, ni de notre mission, ni de notre présent ou de notre avenir. Image. Alors, simplement, imaginez… Imaginez que vous êtes comme ces ossements desséchés, « maison d’Israël qui [dites] : “nos os sont desséchés, notre espérance s’est évanouie, nous sommes perdus”… » Si vous êtes ça, si vous pensez être ça, regardez la vision : une vie nouvelle vous est promise, et elle arrive, toute proche, dans ce monde-ci, pas dans l’au-delà ; et quand cela arrivera – car cela arrivera, il n’y a pas l’ombre d’un doute, puisque c’est Dieu qui promet – alors « vous reconnaîtrez que moi, l’Éternel, j’ai parlé et agi – oracle de l’Éternel. »

C’est pour nous, individus croyants, enfants de Dieu, une grande bonne nouvelle, une joyeuse espérance. Comme le chante David, « les os que tu as brisés seront dans l’allégresse. » (Ps. 51 / 10) Il nous faut tenir cette certitude, et tenir dans cette certitude jusqu’à ce que « la foi se change en vue ». Mais ceci est aussi vrai pour nous comme peuple, comme Église, comme « petit troupeau » qui sait que « [son] Père a trouvé bon de [lui] donner le Royaume ». (Luc 12 / 32) Et qui sait que pour lui non plus, ce n’est pas pour une autre monde, mais bien dès ici-bas. Si nous sommes – quand nous sommes – comme les ossements desséchés de la vision, alors le temps n’est pas à la repentance, encore moins au désespoir – c’est trop tard – mais au contraire le temps est à l’espérance, et même à être comme Abraham « espérant contre toute espérance » (Rom. 4 / 18). Ce que nous avons célébré à Pâques prend corps et réalité dans nos vies et dans l’Église à la Pentecôte. Et nous y sommes !

Mais, frères et sœurs, je ne veux pas vous laisser croire que nous ne pouvons nous voir que dans ce rôle-ci de la vision ! Je vous l’ai dit, nous pouvons aussi nous trouver à l’aise dans l’autre rôle disponible, celui d’Ézéchiel. Mais attention ; il y a une partie de ce rôle que nous affectionnons, mais qu’il n’a pas, dans la vision : le rôle de donneur de leçons… Dans la vision, la prophétie consiste seulement en deux choses : être un évangéliste, c'est-à-dire être porteur de la bonne nouvelle de la résurrection, de la vie à nouveau offerte, de l’avenir à nouveau ouvert ; et puis être celui qui appelle l’Esprit, comme je vous le disais tout à l’heure. N’avoir que le premier rôle, c’est donner de faux espoirs aux gens, c’est annoncer une résurrection qui n’aura pas lieu, c’est être porteur d’un message de mort sous prétexte du contraire. C’est une parole de condamnation et non d’espérance. C’est le discours du diable dans le Jardin (Gen. 3 / 1-5). Plaise à Dieu que nous n’en restions pas là, ni vous ni moi ! Quant à nous contenter du second rôle, chacun depuis sa chambre sans se soucier des os qui se dessèchent dehors, ça n’aurait aucun sens. Le souffle a besoin de gorges et de poumons, l’Esprit a besoin de gens dans lesquels souffler, de gens à inspirer et faire bouger !

Si donc nous ne sommes pas dans le rôle des os, nous sommes dans celui du prophète, c’est-à-dire de l’évangéliste qui appelle le Saint-Esprit sur son peuple, sur son Église, sur ceux qui sont morts autour de lui, et auprès de qui il témoigne de la parole de vie, de la puissance de la résurrection. L’Esprit plane et agite le néant, il est le principe de la création de Dieu. Il plane sur l’Église et agite les chrétiens, pour que nous accomplissions notre rôle prophétique. Si cette vision vous est montrée, si vous vous y trouvez, alors n’hésitez pas, croyez ce que vous voyez, croyez que le vrai berger se trouve avec et devant vous dans cette vallée : « je ne crains aucun mal, car tu es avec moi ; ta houlette et ton bâton me rassurent… » (Ps. 23 / 4) Faites donc ce qu’il vous dit, faites ce qu’il vous inspire, sans vous prendre pour lui, et sans vous prendre pour des os qui restent morts : la vision ne vous le permet pas ! Faites-lui confiance, faisons-lui confiance : entendons pour nous et annonçons pour les autres la prophétie. « Prophétise et parle à l’Esprit, prophétise, fils d’homme ! Tu diras à l’Esprit : “Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Esprit, viens des quatre vents, souffle sur ces morts, et qu’ils revivent !” » Amen.

 

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