Jésus-Christ : vrai homme et vrai Dieu

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Jésus-Christ : vrai homme et vrai Dieu

Par Pierre Wheeler - Publié dans Promesses n° 157, Juillet-septembre 2006- Sujet: Christ1231222

Pierre Wheeler, pasteur en retraite, créateur d’expositions sur la Bible, auteur de livres et de brochures, ancien membre du Comité National de la Fédération Evangélique de France (F.E.F.), a été enseignant dans des instituts bibliques et a été l’animateur de la Commission théologique de la F.E.F. Il est marié, père de quatre enfants.

L’importance du sujet que nous allons traiter est évidente, car un article concernant l’identité de Jésus-Christ figure dans toutes les confessions de foi évangéliques. En général, on trouve des expressions comme : « Nous croyons à sa parfaite divinité ; à sa parfaite humanité » ou encore : « Homme et Dieu », ou « Homme-Dieu ». Cependant, ces expressions ne se trouvent pas dans la Bible. Comment donc les évangéliques en sont-ils arrivés à définir la personne de Christ en de tels termes ?

Evidemment, un tel article dans nos confessions de foi est nécessaire. Il faut insister sur l’identité de Jésus, car si Jésus-Christ n’était pas à la fois divin et humain, Dieu et Homme, nous ne pourrions être sauvés, pardonnés, et justifiés devant Dieu par la foi seule.

La connaissance de la doctrine exacte de Jésus-Christ (appelée « christologie »), n’est pas nécessaire au salut. Nous le savons, puisque notre Seigneur lui-même a promis le paradis au « bon larron » sur la croix, alors que cet homme ne savait presque rien de la personne de Christ. Corneille, le centenier, non plus ; il avait juste un début de relation personnelle avec Dieu et n’a appris que « Dieu était avec lui (Jésus) », que grâce au discours de Pierre (Act 10.34-43).1

 

Incompréhension des disciples avant la Pentecôte

Il est bon de rappeler que des incompréhensions existaient au sujet de la personne de J.-C. parmi les douze disciples. Philippe l’a reconnu comme le Messie promis dans l’Ancien Testament, mais ne semble pas avoir saisi l’essentiel, puisqu’il parle de « Jésus de Nazareth, fils de Joseph » (Jean 1.45). Dans la chambre haute, Philippe n’a pas compris davantage. Sa requête : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit » (Jean 14.8,9), entraîne un reproche de la part du Seigneur, affligé de l’ignorance persistante de son disciple, malgré les trois ans qu’ils ont passé ensemble. Par contre, Nathanaël (Jean 1.49) a saisi bien plus rapidement, telle une révélation, que ce rabbi Jésus était « le Fils de Dieu ».

Pierre, à Césarée de Philippe (Mat 16.16), a aussi reçu la même révélation, mais plus tard que Nathanaël. En répondant à la question de Jésus : « Qui dites-vous que je suis ? », Pierre déclare que Jésus est le Fils de Dieu, fruit certain d’une longue réflexion de sa part.

Thomas, lui, ne comprenait pas non plus, semble-t-il. La pleine révélation lui est arrivée huit jours après la résurrection de Christ. On le constate par sa parole d’adoration : « Mon Seigneur et mon Dieu ».

 

Les écrits néo-testamentaires nous éclairent

De toute évidence, c’est Jean qui, parmi les apôtres, a le plus insisté sur la divinité de Jésus-Christ. Son Evangile en rend témoignage. Cependant, la rédaction de ce texte, venant à la fin de la vie de Jean, a nécessité une mûre réflexion de sa part. Le Père de l’Eglise, Clément d’Alexandrie, vers la fin du 2ème siècle après J.-C, parle de l’Evangile selon Jean comme spirituel pour compléter les synoptiques. Jean offre donc plus de détails sur la personne de Jésus-Christ que les autres évangélistes.

Au 2ème siècle, le problème de l’identité de Jésus était largement débattu. Des tentatives d’explication le concernant parcouraient déjà la Judée et les provinces voisines. Elles s’appuyaient sur des raisonnements humains. Les Ecritures apostoliques n’étaient pas alors copiées en nombre suffisant et distribuées. De ce fait, des idées erronées se répandaient.2 De fausses hypothèses de définition avaient devancé le texte de Jean.

Avant les écrits de Jean, les épîtres de Paul aux Philippiens et aux Colossiens circulaient. Mais étaient-elles parvenues jusqu’en Judée, en Samarie, en Syrie et en Egypte ? Certes, l’Ancien Testament, la version des Septante en grec, était très répandue dans les synagogues de la diaspora, mais encore fallait-il l’étudier pour comprendre que Paul cite, en Phil 2.10, le texte d’Es 45.23, qui précise que « tout genou fléchira devant moi (l’Eternel, Yahweh) ». Jésus était donc le Yahweh de l’Ancien Testament incarné.

A partir des détails ci-dessus, nous comprenons pourquoi de grands débats au sujet de Jésus-Christ et sa personne troublaient l’Eglise des premiers siècles. Le manque d’un canon néo-testamentaire dûment confirmé y contribuait et, hélas, des pseudépigraphes3 faisaient leur apparition, parfois avec un arrière-plan de philosophie grecque. Cette prolifération de discours sur la nature de Christ ne devrait pas nous surprendre outre mesure. En effet, déjà dans les Evangiles, nous découvrons que cette connaissance dépend essentiellement d’une révélation divine, et non de notre intelligence (Mat 16.17 ; Jean 3.1-3).

Tentatives de description de la personne de Jésus-Christ

La liste de toutes les hérésies qui se rapportent à notre Seigneur est longue. Il y a d’abord le docétisme et la croyance ébionite, et ensuite d’autres qui se multiplient ; les historiens mentionnent l’adoptianisme4, l’arianisme5, l’apollinarianisme6, le nestorianisme7, et plus tard, le monophysisme8, le monothélisme9, et d’autres encore.

Les hypothèses élaborées pour définir ce qui s’est passé lors de l’Incarnation et après se rangent généralement en deux catégories : celles des docétistes et celles des ébionites.

Les ébionites, d’origine juive, ne voyaient en Jésus de Nazareth que le fils de Marie et de Joseph, un homme élu de Dieu et déclaré par lui Fils de Dieu à son baptême. Les ébionites et leurs « descendants – adoptianistes et ariens – refusaient la déité de notre Seigneur à cause de leur croyance en la transcendance absolue d’un Dieu unique. Arius écrivait à ce sujet : « Un Dieu, le seul non-engendré, le seul éternel, le seul véritable, le seul immuable, le seul non-créé, etc. ». Aussi, pour Arius, Jésus, le Logos était un être créé par le Dieu unique, une création spéciale, par laquelle toutes choses avaient été créées10. L’arianisme s’est propagé rapidement et beaucoup d’évêques dans l’est de l’Empire et même plusieurs empereurs romains, dont Constance II, fils de Constantin le Grand, furent ariens. A un moment donné, presque la moitié de l’Empire romain occidental fut subjuguée par l’arianisme. Jérôme disait de cette époque : « Le monde entier gémissait et s’étonnait de se retrouver arien (officiellement, à cause d’une décision impériale) »11. C’est Athanase, l’évêque d’Alexandrie, qui lutta de toutes ses forces contre l’arianisme. Cinq fois exilé, il résista toujours, bien qu’il semblât qu’à un moment donné le monde qui s’élevait contre lui allait l’écraser. Grâce à Athanase, l’hérésie d’Arius a été finalement rejetée par la majorité des Eglises.

Le docétisme, du grec, dokein (apparaître comme), propage l’erreur que Jésus paraissait être un homme, mais qu’il ne l’était pas vraiment. L’apôtre Jean, dans ses épîtres, insiste sur la venue de Jésus dans la chair : il l’avait vu et entendu et même touché (voir 1 Jean 1.1-3 ; 4.2,3). Les commentaires sont généralement formels : Jean se lève contre une forme de docétisme qui commençait à influencer les Eglises.

Le docétisme a des origines dans la philosophie grecque, le platonisme et le néoplatonisme notamment, dont l’une des thèses principales est que la matière est mauvaise. Le corps, étant matière, ne pouvait donc pas être capable d’être en union avec le divin, Dieu. Aussi Dieu a-t-il, lors de l’Incarnation, pris l’apparence d’un homme. Il s’ensuivait alors qu’un être divin ne pouvait souffrir corporellement sur la croix. On comprend que les gnostiques qui annonçaient un salut par l’illumination et la connaissance, et non par le sacrifice expiatoire de l’Agneau de Dieu sur la croix, sont également docétistes dans leur approche de la personne de Jésus. L’apollinarianisme (l’âme de Jésus fut divine, son corps humain) le monophysisme ont tous été influencés par le docétisme qui maintenait qu’il n’y avait pas d’Incarnation véritable. D’ailleurs, la dichotomie souvent évoquée aujourd’hui entre le Jésus historique (au sujet duquel, selon certains théologiens, empreints de libéralisme théologique, on ne connaîtrait pratiquement rien, puisqu’ils n’acceptent pas les Evangiles comme récits historiques) et le Christ de la foi (qui serait le fruit des conjectures de l’Eglise primitive sur Jésus de Nazareth, divinisé par ses partisans, devenant ainsi le Christ) sent fortement le docétisme.

 

Les grands conciles

Les grandes figures du christianisme présentes aux premiers conciles dits ocuméniques (Nicée en 325, Constantinople en 381, Ephèse en 431 et Chalcédoine en 451), ont compris la nécessité de travailler le sujet dans le détail. Ils ont accompli un travail remarquable en produisant des Symboles selon la révélation biblique. Dans les Ecritures, nous ne trouvons pas de déclarations aussi claires, mais tout y est à l’état implicite. Tous les âpres débats et les longues joutes oratoires qui se sont déroulés lors de ces conciles démontrent indirectement l’importance de la question. Les évêques qui sont finalement arrivés à faire reconnaître la révélation juste de Jésus-Christ (selon les Ecritures), ont bien compris que notre Sauveur devait être à la fois vrai homme et vrai Dieu, faute de quoi il n’y avait plus de véritable Evangile à propager, ni de pardon, ni de justification par la foi. Les protestants évangéliques d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, doivent énormément aux théologiens conciliaires.

Le concile de Chalcédoine (451) a probablement fait connaître au monde la meilleure définition de la personne de notre Seigneur. En voilà un extrait :

« Nous déclarons d’une voix unanime que l’on doit confesser un seul et même Jésus-Christ notre Seigneur ; le même parfait dans la divinité et parfait dans l’humanité, vraiment Dieu et vraiment homme ; le même composé d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et consubstantiel à nous selon l’humanité, en tout semblable à nous, hormis le péché ; engendré du Père avant les siècles selon la divinité ; dans les derniers temps né de la vierge Marie, selon l’humanité, pour nous et pour notre salut ; un seul et même Jésus-Christ, Fils unique, Seigneur, en deux natures,. »

Le concile a déclaré qu’en Jésus-Christ ces deux natures, divine et humaine, existent.

« sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation (entre elles), sans que l’union ôte les différences des natures. Au contraire, la propriété de chacune est conservée et concourt en une seule personne et une seule hypostase (personne distincte), en sorte qu’il n’est pas divisé en deux personnes, mais que c’est un seul et même Fils unique, Dieu le Verbe, notre Seigneur Jésus-Christ »12.

Serait-ce possible de rendre une explication plus claire ? Sans doute, car l’amélioration est toujours possible. D’autant plus que l’insistance dans le deuxième extrait ci-dessus vise plus particulièrement l’apollinarianisme qui maintenait que l’âme de Jésus était divine et son corps humain. Cela serait diviser le Christ. Le Nouveau Testament ne mentionne même pas cet aspect des choses. Pourtant, les textes apostoliques suffisent largement pour nous montrer que les natures de Christ, divine et humaine, sont « sans confusion, etc. ». Quand des définitions erronées existent, il est alors nécessaire d’expliciter.

 

Conclusion

Athanase, déjà mentionné plus haut, est considéré comme responsable de ce que les Eglises appellent : Le symbole (déclaration de foi) de St Athanase. Il est très peu probable qu’Athanase soit l’auteur de cette confession de foi, mais elle est toujours désignée par ce nom. Il est aussi appelé en latin : le Symbolum Quicunque puisqu’il commence par les mots : « Quiconque veut être sauvé. ». Cette entrée en matière dévoile à la fois l’intention du texte et l’importance de la foi en Christ pour tout individu qui aspire au salut13. Le symbole termine de la même manière.

La question se pose : est-ce vrai ? Faut-il croire à tout ce que dit cette excellente confession de foi pour être sauvé, dans le sens biblique du terme ? Ou, plus simplement, se contenter de la réponse de Paul à la question du geôlier à Philippes : « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé »14? Nous avons déjà précisé plus haut que la connaissance d’une christologie exacte n’est pas obligatoire pour être sauvé et en avons donné deux exemples bibliques. En même temps, il fallait que la christologie définie par les Pères de l’Eglise soit vraie et juste, car notre salut dépend d’un tel Sauveur, Homme-Dieu. Pourquoi une christologie exacte serait-elle donc conjointe à notre accession au salut ?

Pour deux raisons, évidentes a posteriori :

– Si Jésus-Christ n’avait pas été véritablement humain, il n’aurait pas pu légitimement prendre la place d’autres humains sur la croix. Il fallait qu’un homo sapiens remplace d’autres homo sapiens. Le sang des bêtes sacrifiées (preuve de leur mort) sous l’ancienne Alliance ne faisait que couvrir le péché. Le péché n’était pas ôté. Mais Jésus, l’Agneau de Dieu, ôte le péché. Celui qui accepte cette ouvre est sauvé car Jésus a ôté son péché pour toujours.

– Si Jésus-Christ n’était pas véritablement de nature divine (Dieu), son sacrifice n’aurait eu de valeur légale que pour une autre personne (« vie pour vie »). Mais étant Dieu, et donc infini, son sacrifice avait une valeur infinie. Aussi, sa mort à la place de millions d’humains est efficace pour ôter le péché de millions d’hommes.

« A celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, et qui a fait de nous un royaume de sacrificateurs pour Dieu son Père, à lui la gloire et le pouvoir aux siècles des siècles. Amen. » (Apoc 1. 5, 6).

 

 

1 Pierre a sans doute expliqué à Corneille plus que Luc n’a rapporté. Mais Pierre n’aurait pas pu entrer dans tous les détails de la christologie
2 Il se peut que ce soit à cause de cette monnaie courante de fausses définitions que l’Evangile selon Jean n’ait pas tout de suite été reconnu comme inspiré, et accepté dans toutes les Eglises.
3 Le nombre de textes pseudépigraphes (littéralement, faux écrits ) ayant trait à Jésus-Christ et aux apôtres est très considérable (plusieurs centaines). Ils racontent n’importe quoi au sujet de Christ, et ont donc été rejetés, généralement parce qu’ils ne provenaient pas d’une source sûre, et ensuite, à cause des invraisemblances qu’ils racontaient. Il est à noter que des livres comme L’homme qui devint Dieu (de Gérald Messadié) et le Da Vinci Code (de Dan Brown), ainsi que les films où l’on met en exergue Marie-Madeleine, sont régulièrement basés sur des pseudépigraphes.
4 Doctrine développée au VIIIe siècle par les Espagnols Elipand et Félix d’Urgel : Dieu aurait, selon elle, « adopté » Jésus comme son Fils à la naissance de ce dernier.
5 Doctrine développée aux IVe et Ve siècles par le prêtre alexandrin Arius : elle nie que Jésus soit de la même nature (ou de la même « substance ») que Dieu le Père. Elle nie en particulier la préexistence éternelle de Christ.
6 Doctrine de l’évêque Apollinaire (IVe siècle) qui niait qu’il y ait eu quoi que ce soit d’humain dans l’âme de Christ.
7 Doctrine de Nestorius, patriarche de Constantinople (Ve siècle), qui affirmait que la nature divine et la nature humaine de Christ étaient juxtaposées, sans connaître une véritable union.
8 Doctrine professée en particulier par l’hérésiarque byzantin Eutychès (Ve siècle) qui, au contraire des nestoriens, prétendait que le Christ incarné n’avait qu’une seule nature, la divine.
9 Doctrine propagée par l’Empereur Héraclius (VIIe siècle) selon laquelle Jésus-Christ avait bien deux natures, mais une seule volonté.
10 De nos jours, les Témoins de Jéhovah sont ariens.
11 Cité dans History of the Christian Church, A.R. Whitham, Rivingtons, 1957
12 Ces extraits proviennent de l’Histoire universelle de l’Eglise catholique, vol 4., p. 534-535, Rohrbacher, Librairie J.-M. Soubiron, Montréjeau, 1903.
13 La version en anglais de ce symbole figure dans le Prayer Book (livre du rituel de l’Eglise anglicane) et commence et termine par les mots : « … à moins de croire à ce symbole, on ne peut être sauvé ».
14 Nous acceptons pleinement la parole de Paul pour être sauvés. La foi en Jésus-Christ, en sa mort et en sa résurrection, est amplement suffisante.
15 L’illustration du soleil peut nous aider. Sa lumière en émane constamment. Si aucune lumière n’en émanait, le soleil ne serait pas le soleil. Si le Fils n’émanait pas de Dieu le Père, Dieu ne serait plus Dieu. Cette illustration du soleil, de sa lumière, et de sa chaleur peut nous aider à comprendre la Trinité.

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