
Pastorales (Épîtres)
11/12/2018 11:10Pastorales (Épîtres).
Depuis le 18e siècle, on appelle épîtres pastorales les lettres à Timothée et à Tite, qui ont beaucoup de points communs : elles ont été adressées vers la fin de la vie de Paul à deux de ses collaborateurs et non à des Églises ; elles contiennent des conseils aux serviteurs de Dieu exerçant un ministère pastoral dans l’Église ; elles envisagent les mêmes aspects de la doctrine, combattent les mêmes hérésies et sont caractérisées par un style très semblable. Pourtant, bien qu’adressées en premier lieu à des serviteurs de Dieu, elles étaient destinées à être lues par tous les chrétiens (#1Ti 6:21 ; #2Ti 4:22 ; #Tit 3:15).
Auteur.
Parce que ces lettres ne cadrent pas avec ce que les Actes et les autres épîtres nous apprennent de la vie de Paul, que leur vocabulaire et leur style présentent de notables différences et que les doctrines, les hérésies combattues et l’organisation ecclésiastique reflétée dans ces épîtres semblent provenir d’une époque postérieure, beaucoup de théologiens actuels en refusent la paternité à l’apôtre Paul.
Pourtant, les citations extraites de ces lettres par les Pères de l’Église sont aussi anciennes et aussi nombreux que celles des autres épîtres, les détails biographiques sur Paul abondent (#1Ti 1:13,15; 2:7 ; #2Ti 1:11; 2:9; 3:10-11,14; 4:10,12 ; #Tit 1:5; 3:12-13), ceux qui concernent Timothée (#1Ti 1:2,18; 4:12 ; #2Ti 1:5; 2:2; 3:10,15) concordent avec ce qu’en dit Luc dans les Actes. La langue et le style portent des caractères typiques de Paul : parenthèses, ruptures dans la construction des phrases, jeux de mots, procédés rhétoriques, énumérations ; les deux tiers du vocabulaire figurent déjà dans les autres épîtres de Paul, 38 mots et expressions qui lui sont particuliers se retrouvent dans les Pastorales.
Les différences relatives à la théologie, à l’organisation ecclésiastique et aux hérésies s’expliquent par la situation et le temps différents. Les divergences historiques avec les Actes se résolvent par l’époque de rédaction après #Ac 28.
L’Église primitive et les Pères n’ont jamais mis l’authenticité de ces lettres en doute. Ces épîtres sont citées ou mentionnées, au 2e siècle, par Ignace, Polycarpe, Irénée, Tertullien et Clément d’Alexandrie. Comment un faux de ce même siècle n’aurait-il pas été démasqué par des hommes aussi avertis ? Voici les arguments avancés :
1. Au point de vue chronologique, peut-on faire cadrer les voyages mentionnés ici par Paul avec le récit des Actes ? C’est précisément à ce propos que les Pastorales semblent appuyer l’opinion traditionnelle, d’après laquelle Paul fut relâché après son 1er emprisonnement à Rome (#Ac 28:30-31). Il doit avoir eu encore 3 ou 4 années d’activité missionnaire, qui lui permirent en particulier d’aller en Crête avec Tite (#Tit 1:5), et de confier à Timothée l’Église d’Éphèse (#1Ti 1:3). Paul lui-même ne paraît pas être retourné dans cette ville (cf. #Ac 20:25). Les adieux déchirants dont il parle en #2Ti 1:4 eurent probablement lieu à Milet (cf. 4.20). De là, l’apôtre passa par Troas (#2Ti 1:13) pour se rendre en Macédoine, d’où il écrivit probablement 1 Tim. Presque à ce même moment, semble-t-il, il adressa sa lettre à Tite, lui annonçant son projet d’aller passer l’hiver à Nicopolis (#Tit 3:12). Il ne put cependant réaliser son plan : arrêté de nouveau et mené à Rome, il écrivit sa 2e épître à Timothée du fond de sa prison et peu avant sa mort, le priant de le rejoindre au plus tôt (#2Ti 4:9).
2. Au point de vue linguistique, on a prétendu que le vocabulaire des Pastorales diffère de celui de Paul. C’est un fait qu’il y a 96 mots nouveaux dans 1Ti 60 dans 2 Timothée, et 43 dans Tite, soit 2 fois plus que dans les autres épîtres du même apôtre. Cette remarque n’est cependant pas concluante, car Paul écrivait ici sur des sujets particuliers demandant un vocabulaire en partie différent, sans parler de la grande variété de style et d’expression d’un auteur aussi génial que lui. D’ailleurs, aucun des mots employés n’implique une date plus récente, et environ la moitié d’entre eux se trouvent dans les Septante. Enfin, un imitateur aurait vraisemblablement pris grand soin d’éviter ces différences.
3. La situation de l’Église dépeinte dans ces 3 épîtres cadrerait mieux, a-t-on dit, avec le 2e siècle ; par exemple les ministères y seraient trop développés pour convenir à l’époque de Paul. Mais c’est le contraire qui est exact. Au moment de la rédaction de #1Ti 3:1-7 et #Tit 1:5-9, les termes d’évêques et d’anciens étaient synonymes (voir #Ac 20:17,28) alors qu’au 2e siècle les 2 charges étaient devenues distinctes (cf. les lettres d’Ignace, verset 110). D’autre part, Paul avait fait nommer des anciens dans chaque église dès son premier voyage missionnaire (#Ac 14:23), et la communauté de Philippes à laquelle il écrivait était, elle aussi, bien constituée, avec ses évêques et ses diacres (#Ph 1:1). Il n’y a donc ici aucune trace de « sacerdotalisme du 2e siècle ». Il est parfaitement naturel que l’apôtre, à la veille d’affronter le martyre, ait donné des directives détaillées quant aux problèmes présents et futurs concernant les communautés chrétiennes (cf. Manley, Nouveau Manuel de la Bible, pages 381 et suivantes ; Unger’s Bible Dictionary, page 1101) (pour un examen détaillé de l’authenticité des Pastorales, voir A. Kuen Les Lettres de Paul, pages 350-392).
Date.
Un certain nombre de détails historiques contenus dans les Pastorales ne concordent pas avec ce que les Actes nous apprennent de la vie de Paul.
Dans #1Ti 1:3, l’apôtre dit à Timothée qu’il l’a laissé à Éphèse en partant pour la Macédoine. Or, en partant d’Éphèse (#Ac 20:1), il fut accompagné par Timothée (#Ac 20:4 ; cf. #2Co 1:1, écrit depuis la Macédoine). Il ne retournera plus à Éphèse avant #Ac 28.
D’après #Tit 1:5-9; 3:12-13, Paul écrit, en chemin vers Nicopolis (en Épire), qu’il a évangélisé la Crète avec Tite ; Apollos doit y passer après lui (#Tit 3:13). Or, Apollos n’est entré dans le cercle des collaborateurs de Paul qu’au cours du 3e voyage missionnaire (#Ac 18:24-28). Or, il est impossible de situer des voyages de Paul en Crète et en Épire entre le séjour à Éphèse (#Ac 19) et la captivité à Rome (#Ac 28).
Dans #2Ti 4:20, Paul dit qu’il a laissé Trophime malade à Milet. Or, après leur passage commun à Milet (#Ac 20:17) Paul et Trophime sont encore ensemble à Jérusalem (#Ac 21:29).
Les détails concernant la captivité de Paul dans 2 Timothée ne correspondent guère à ceux d’#Ac 28 (cf. #Ac 28:30-31), et des épîtres de la captivité (#Ph 1:13 ; #Ep 6:19-20 ; #Col 4:3 avec #2Ti 2:9; 4:6). Dans les Philippiens, Éphésiens et Colossiens, il a ses amis et ses collaborateurs auprès de lui (#Ph 1:1; 2:19 ; #Ep 6:21 ; #Col 1:1; 4:7,10-14 ; #Phm 1:24). Dans 2 Timothée, il est seul, abandonné de tous (#2Ti 4:9-10,16), s’attendant à être condamné (#2Ti 4:6 ; contrairement à #Ph 1:25).
D’autre part, nous trouvons dans les Pastorales seize personnages nouveaux dans l’entourage de Paul.
Tout porte à croire que, conformément à son pressentiment (#Ph 2:24 ; #Phm 1:22), Paul a été libéré de sa première captivité romaine et qu’il a repris son bâton de pèlerin pour visiter les Églises qu’il avait fondées et pour évangéliser de nouvelles contrées (la Crète, l’Épire, l’Espagne) entre les années 63 et 66. Les épîtres pastorales dateraient donc de cette dernière tranche de vie de l’apôtre (pour plus de détails, voir A. Kuen, Lettres de Paul, pages 338-350).
Lieu.
La reconstitution des derniers voyages missionnaires de Paul est aléatoire et demeure conjecturale. Les données des épîtres pastorales sont peu nombreux : départ d’Éphèse pour la Macédoine (#1Ti 1:3), avec l’espoir d’y revenir (#1Ti 3:14), séjour en Crète avec Tite, voyage de Crète à Nicopolis (en Épire : #Tit 1:5; 3:12), passage par Troas, Milet et sans doute Corinthe (#2Ti 4:13,20). Si les projets que l’apôtre a formulés durant sa première captivité romaine se sont réalisés, nous pouvons ajouter à ces données un voyage à Philippes (#Ph 2:19-24) et à Colosses (#Phm 1:22). Dans #Ro 15:23-24, il fait part de son désir d’évangéliser l’Espagne, le pays le plus romanisé de l’empire, où les Juifs étaient nombreux. Trente ans après la mort de l’apôtre, Clément de Rome parle de ses voyages qui l’ont amené jusqu’aux « termes de l’Occident », une expression utilisée par des auteurs contemporains pour l’Espagne. Beaucoup de Pères de l’Église confirment cette tradition.
Compte tenu de ces indications et de quelques autres données (dates d’ouverture de la mer à la navigation, tracé des routes romaines, itinéraires maritimes, distances parcourues par un piéton), on peut proposer la reconstitution suivante (qui n’a qu’un caractère hypothétique) :
-Printemps 63 à début 64 : Rome-Corinthe-Éphèse-Colosses
-64-65 : Éphèse-Crète-Éphèse-Macédoine (rédaction de 1 Timothée et Tite).
-Hiver 65-66 : À Nicopolis en Épire avec Tite.
-66 : Retour à Éphèse par la Voie Égnatienne (Thessalonique, Philippes, Troas). Arrestation à Éphèse (ou Troas). Départ pour Rome par Milet et Corinthe (#2Ti 4:20). Incarcération. Procès. Rédaction de 2 Timothée. Martyre fin 66 ou début 67 (ou, selon Jérôme : fin 67-début 68).
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