
Pierre (2e épître de).
16/03/2018 10:10Pierre (2e épître de).
Auteur.
L’auteur affirme être « Simon Pierre, apôtre de Jésus-Christ ». Il dit que le Seigneur lui a annoncé qu’il mourrait subitement (#2P 1:14), il a été témoin de la Transfiguration et a entendu la voix venue du ciel (#2P 1:16-18), il rappelle à ses correspondants une première lettre (#2P 3:1) et appelle Paul son « frère bien-aimé » (#2P 3:15). Malgré cela, la plupart des critiques actuels rejettent l’authenticité de cette lettre et en renvoient la rédaction au second siècle.
Les objections à l’origine pétrinienne sont sérieuses et nombreuses :
1. L’épître a moins d’attestations externes que n’importe quel autre livre canonique (mais plus que tout écrit non canonique). Origène, qui la cite le premier (2e siècle) fait mention des doutes de certains quant à son authenticité (quoique lui-même la considère comme canonique). Elle manque dans le plus ancien catalogue des livres du Nouveau Testament, le Fragment de Muratori, mais le mauvais état de la fin de ce document ne permet pas de conclusion certaine. Les hésitations de l’Église ancienne s’expliquent par le nombre d’écrits circulant sous le nom de Pierre. L’admission finale de la lettre par le Concile de Carthage (qui a rejeté celles de Clément de Rome et de Barnabas régulièrement lues dans les Églises) montre qu’elle a su vaincre les réticences pourtant grandes aux premiers siècles et s’imposer par les marques de son authenticité.
2. Les différences avec 1 Pierre sont nombreuses : vocabulaire et style, pensée, situation … La plupart s’expliquent par la différence de secrétaire (Sylvain n’est plus mentionné) et de sujet des deux épîtres. Cependant, des études récentes par ordinateur ont montré que malgré les différences évidentes, aucun écrit connu ne ressemble autant à l Pierre par le vocabulaire et le style que 2 Pierre. Les « hellénismes » détectés faisaient partie du vocabulaire religieux courant retrouvé dans des documents de l’époque.
3. Les ressemblances avec Jude ne s’opposent nullement à l’authenticité. De tels emprunts étaient fréquents dans l’antiquité. Ils s’expliquent dans un sens ou dans l’autre, ou parce que Pierre et Jude ont utilisé tous deux un traité circulant dans les Églises pour dénoncer les hérétiques.
4. La mention des écrits de Paul (#2P 3:15-16) ne présuppose pas nécessairement l’existence d’une collection de ces lettres. Les épîtres de Paul étaient en circulation depuis 10 à 15 ans. Il est normal que Pierre en ait eu connaissance.
5. Les pères qui sont morts (#2P 3:4) ne sont pas nécessairement ceux de la première génération chrétien. Comme ailleurs dans le Nouveau Testament (#Hé 1:1 ; #Ro 9:5 ; #Ac 3:13) et dans la littérature patristique, il est plus probable que cette expression désigne les « pères » de l’ancienne alliance.
6. Le caractère de l’hérésie dénoncée parle davantage en faveur du 1er siècle que des gnostiques du 2e siècle. D’autre part, toutes les solutions alternatives proposées soulèvent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent : « en tant qu’écrit pseudépigraphique, cette lettre n’a pas de raison d’être suffisante » (M. Green), car elle ne répond nullement aux caractéristiques des hérésies du second siècle. Comme « il n’y a rien dans cette épître que Pierre n’aurait pas pu écrire » (M. Tenney), il vaut mieux maintenir l’authenticité de l’écrit, malgré les points d’interrogation que ce maintien peut soulever.
Destinataires.
Contrairement à #1P 1:1, cette épître ne nomme pas ses destinataires. Les Églises auxquelles elle fut adressée comptaient sans doute à la fois d’anciens Juifs (#2P 1:19; 2:4,6,7; 15-16; 3:2,6 qui font allusion à des faits connus des lecteurs) et des païens convertis (#2P 2:18). S’agit-il des mêmes destinataires que ceux de 1 Pierre ? #2P 3:1 nous le ferait penser, mais le peu que Pierre dit du contenu de cette première lettre ne convient pas particulièrement à 1 Pierre qui est davantage une lettre d’exhortation que d’avertissement. Il faut croire que Pierre a écrit plus de deux lettres durant son ministère. En tout cas, il connaît personnellement ses correspondants (#2P 1:12-13; 3:1).
Lieu.
Plusieurs localisations des destinataires de cette seconde lettre ont été proposées (si elle ne s’adresse pas au même cercle que 1 Pierre) : Corinthe (à cause de la référence de #2P 3:15), l’Égypte (où cette lettre était connue et acceptée très tôt). Ces conjectures qui ne visent qu’à satisfaire notre curiosité n’ont aucun intérêt pour l’explication du texte.
Date.
L’espérance du Retour de Christ reste vive parmi les chrétiens (#2P 3:4 : un trait qui convient mieux au 1er siècle qu’au second), mais les hérétiques ont déjà fait de grands progrès. Paul a rédigé un certain nombre de lettres qui sont en circulation dans les Églises. Cette lettre date donc de la fin de la vie de Pierre (#2P 1:14), sans doute des années 65 à 68. Elle a peut-être été écrite de Rome.
Contenu.
L’épître est structurée autour de 3 thèmes :
1. La vie chrétienne : la vocation et les privilèges du chrétien doivent aller de pair avec sa croissance dans la sainteté. Dieu nous a tout donné par grâce. Ce don nous oblige à faire de notre côté tous nos efforts pour être à la hauteur de cette noble vocation et répondre à ce que Dieu attend de nous (#2P 1:3-14), en nous appuyant sur la fidèle Parole apostolique (#2P 1:15-18) et prophétique. La mention de la vraie prophétie (#2P 1:19-21) amène l’auteur à dénoncer la fausse (#2P 2).
2. Les faux docteurs représentent un danger réel pour les chrétiens. Pierre décrit surtout leur comportement moral qui prouve qu’ils ne sont pas dans la vérité (#2P 2:1-18), mais esclaves des passions qui les mènent à la ruine (#2P 2:19-22). Cette ruine les atteindra de manière soudaine lorsque le Seigneur reviendra (#2P 3).
3. Le Retour du Seigneur dont la certitude est confirmée par l’exemple du déluge (#2P 3:1-10) nous oblige à vivre dans la sainteté et l’attente active (#2P 3:11-18).
But.
Pierre se souvient de l’exhortation que le Seigneur lui a laissée avant de partir (#Jn 21:15-17) d’être un berger pour Ses brebis. Dans cette lettre, il s’acquitte de cette responsabilité en montrant aux chrétiens où se trouvent les bons pâturages qui stimuleront leur croissance (chapitre 1) quels sont les dangers qui les guettent (#2P 2), vers quel avenir ils doivent se diriger et comment attendre le Retour du Seigneur (#2P 3). S’ils veulent résister aux assauts des faux docteurs, ils doivent être affermis dans leur foi et leur vie chrétienne. C’est pourquoi Pierre commence par leur tracer un programme qui doit les aider à croître harmonieusement. Ensuite seulement, il dénonce les agissements des faux docteurs. Contrairement à la situation dans Jude, le danger est encore futur (« il y aura parmi vous de faux docteurs qui introduiront des sectes pernicieuses … plusieurs les suivront … #2P 2:1-2 ») mais les hérétiques sont déjà agissants dans d’autres Églises (à partir de #2P 2:10, Pierre emploie le présent pour les décrire).
Quelles étaient leurs caractéristiques ? Les apôtres proclament une vérité reposant sur des faits ; eux, ils suivent « des fables habilement conçues » (#2P 1:16), tout leur enseignement reposait donc sur les spéculations intellectuelles et sur une interprétation arbitraire de l’Écriture (#2P 1:20-21; 3:16), ils nient la création du monde par la Parole de Dieu (#2P 3:5), l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ (#2P 2:1) et son Retour en gloire (#2P 3:3-4). Leur vie immorale est le triste fruit de leurs erreurs doctrinales — à moins qu’ils « tordent le sens des Écritures » pour suivre leurs convoitises. La corruption morale leur sert d’« amorce » (#2P 2:18, l’ancien pêcheur n’a pas oublié l’art de prendre les poissons) pour attirer les nouveaux convertis qu’ils exploiteront (#2P 2:3).
Bon nombre de ces traits se retrouvent dans le gnosticisme du second siècle : les mythes et les spéculations philosophiques y foisonnent, l’Écriture est interprétée de manière fantaisiste et arbitraire, elle est supplantée par la « voix vivante », c’est-à-dire l’appel à des « traditions secrètes » mais, comme le fait remarquer D. Guthrie, « le fait de tordre le sens des écrits apostoliques était cause plutôt qu’effet, mais les tendances qui aboutiront à ces hérésies existaient déjà vers le milieu du 1er siècle »
Plan (voir Contenu.).
I. Le vrai chrétien (chapitre 1)
A. sa croissance en Christ (1.3-14)
B. ses raisons de croire (1.15-21)
1. le souvenir de la Transfiguration (versets 15-18)
2. la certitude des Écritures (versets 19-21)
II. Les faux docteurs (chapitre 2)
A. le danger qu’ils représentent (versets 1-3)
B. leur condamnation (versets 4-9)
C. leur description (versets 10-22)
III. Le Retour du Christ (chapitre 3)
A. certain malgré les moqueurs (versets 1-7)
B. comment il se manifestera (versets 8-10)
C. les conséquences à en tirer (versets 11-18)
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