Pierre (première épître de).

16/03/2018 10:11

Pierre (première épître de).

      Plus que toute autre, cette lettre « reflète de manière immédiate l’esprit de l’Église primitive » (B. Schwank). Elle est « un microcosme de la foi et des devoirs chrétiens » (E. G. Solwyn).

      Auteur.

      L’auteur se nomme « Pierre, apôtre de Jésus-Christ » (#1P 1:1). Son histoire nous est bien connue par les évangiles : fils de Jonas (#Mt 16:17 ; #Jn 1:42), originaire de Bethsaïda (#Jn 1:44), il vint habiter plus tard à Capernaüm où vivait sa belle-mère (#Mr 1:29-30). Après une première rencontre avec Jésus (#Jn 1:40), le Maître l’appela à le suivre (#Mr 1:16-18). Ce fut Pierre qui, le premier, reconnut en Jésus le Messie (#Mt 16:13-16 ; #Jn 6:60-69). Nous retrouvons dans la lettre comme un écho des paroles que Jésus lui adressa alors (#1P 2:4-8). Il fut parmi les rares témoins de la résurrection de la fille de Jaïrus (#Mr 5:37) et de la transfiguration (#Mr 9:2) dont il a gardé un souvenir ineffaçable (#1P 5:1 ; #2P 1:16-18). Son caractère impulsif (#Mt 14:28; 16:22; 17:4; 19:27 ; #Jn 13:6-9; 18:10; 21:7) et trop sûr de lui (#Mt 26:33) fut cause de sa chute (#Mt 26:69 et suivants). Mais Pierre se repentit et fut pardonné. Il fut informé, avant les autres apôtres, de la résurrection de Jésus (#Mr 16:7), pénétra le premier dans le tombeau (#Jn 20:6) et vit d’abord Jésus ressuscité (#Lu 24:34 ; #1Co 15:5). Il joua un rôle prépondérant dans l’Église primitive (#Ac 1:15; 2:14; 3:12; 4:8; 5:3,29; 9:32-11:18; 12:3 et suivants). Si, après le Concile de Jérusalem (#Ac 15:7), il n’est plus mentionné dans le livre des Actes, nous savons qu’il a poursuivi son ministère au-delà des frontières de la Palestine (#Ga 2:11) annonçant l’Évangile surtout aux Juifs (#Ga 2:8) et parcourant les Églises avec son épouse (#1Co 9:5). Jésus avait prédit qu’il mourrait martyr (#Jn 21:18). La tradition rapporte qu’il fut crucifié à Rome. Marc a noté dans son évangile les souvenirs de la vie de Jésus, tels que l’apôtre Pierre devait les raconter dans les Églises. Même si la personnalité de l’apôtre demeure à l’arrière-plan et si l’épître ne contient ni souvenir personnel des années passées avec le Maître, ni citation directe de ses discours, une lecture attentive permet cependant de déceler plus d’une vingtaine d’allusions à des paroles du Christ.

      D’autre part, on a relevé de fréquentes similitudes de pensée et d’expression entre les « sermons de Pierre » et son épître : Jésus a accompli les prophéties de l’Écriture (#Ac 2:16; 3:18 ; #1P 1:20), il a souffert sur la croix, comme il y avait été prédestiné par Dieu (#Ac 2:23 ; #1P 1:20), il est ressuscité et fut élevé à la gloire (#Ac 2:32-36 ; #1P 1:21; 3:22) Pierre l’a vu de ses yeux (#Ac 2:32; 3:15; 5:32; 10:39 et suivants ; #1P 5:1). Christ reviendra pour juger les vivants et les morts (#Ac 10:42 ; #1P 4:5), c’est pourquoi l’apôtre appelle à la repentance, à la foi et au baptême (#Ac 2:38,40 ; #1P 3:20 et suivants). Même des expressions comme « le bois » pour désigner la croix (#Ac 5:30; 10:39 ; #1P 2:24), la citation de l’Ancien Testament concernant la « pierre » (#Ac 4:9 et suivants ; #1P 2:7), l’insistance sur l’importance et la signification du nom de Christ (#Ac 2:21,38; 3:6,16; 4:12 ; #1P 4:14 et suivants) sont communes aux discours et à l’épître.

      Malgré ces nombreux parallèles et les témoignages patristiques unanimes, certains théologiens émettent des doutes sur l’authenticité de l’épître surtout à cause de la langue, trop pure et trop riche pour un ancien pêcheur galiléen, de son effacement, son manque d’originalité théologique par rapport à Paul et du cadre historique qui correspondrait mieux à l’époque des grandes persécutions de la fin du 1er siècle.

      Beaucoup de ces arguments tombent si l’on se souvient que c’est « par Sylvain » (#1P 5:12) que Pierre a écrit cette lettre et qu’il lui a sans doute laissé une relative liberté pour le choix des termes et de la syntaxe. Son effacement  —  contrastant avec son attitude dans les évangiles  —  est la preuve de l’œuvre du Saint-Esprit en lui. L’accord avec Paul sur les doctrines fondamentales est un témoignage de l’unité de la foi de l’Église primitive (contrairement à certaines hypothèses qui la voyaient divisée entre « pauliniens » et « pétriniens »). Quant aux souffrances évoquées dans la lettre, rien ne prouve qu’il s’agissait d’une persécution officielle et non d’oppositions comme celles que nous rapporte le livre des Actes en bien des lieux.

      Ces hypothèses mettant en doute l’authenticité de la lettre ne sauraient contrebalancer les nombreux témoignages émanant des premiers siècles et l’autorité incontestée dont elle a joui dans toute l’Église ancienne.

      Destinataires.

     L’épître est une circulaire adressée aux chrétiens de différentes provinces d’Asie Mineure. L’ordre dans lequel elles sont mentionnées correspond à l’itinéraire que suivrait quelqu’un qui aurait débarqué dans un port du Pont pour visiter les Églises de ces différent régions.

      La Cappadoce, le Pont et l’Asie sont déjà nommés dans #Ac 2:9 comme lieux d’origine de certains Juifs venus à Jérusalem le jour de la Pentecôte. Si Pierre a évangélisé ces contrées, il a dû commencer par parler  —  comme l’apôtre Paul  —  à ses anciens coreligionnaires. Les citations de l’Ancien Testament et les allusions à des faits et des rites de l’ancienne alliance, l’exemple de Sara (#1P 3:6), les histoires d’Abraham et de Noé leur parlaient particulièrement. Cependant, l’apôtre évoque le « temps de leur ignorance » (i Pi. 1.14), leur « vaine manière de vivre » (#1P 1:18) selon « la volonté des païens » (#1P 4:3). Ils étaient « dans les ténèbres » (#1P 2:9) et surtout : ils n’étaient « pas un peuple » (#1P 2:10). Il s’agissait donc d’Églises dans lesquelles judéo-chrétiens et pagano-chrétiens étaient mêlés. Peut-être y avait-il aussi parmi eux une bonne proportion d’anciens prosélytes juifs.

      Lieu.

      L’apôtre adresse à ses lecteurs les salutations de l’Église de Babylone (#1P 5:13). S’agit-il de Babylone en Mésopotamie, en Égypte ou d’un cryptogramme désignant Rome ? Chaque théorie conserve ses adeptes. Babylone sur l’Euphrate restait une cité assez importante, le centre d’un judaïsme pur et sans compromis. Des Juifs de Mésopotamie étaient parmi les pèlerins de Pentecôte. Certains ont dû se convertir et constituer chez eux une Église que, plus tard, Pierre, apôtre des circoncis, a pu visiter. La tradition parle d’ailleurs de ses voyages vers « l’Orient », c’est-à-dire précisément vers ces régions. C’est le sens qui s’accorde le mieux avec l’ordre dans lequel sont nommées les provinces destinataires : un messager venant de Rome aurait accosté dans un port d’Asie et suivi un itinéraire d’ouest en est, plutôt que l’ordre inverse mentionné dans la lettre qui s’imposait à un voyageur venant de l’Orient.

      L’Église copte revendique comme lieu de rédaction une Babylone sur le Nil, devenue actuellement le Vieux Caire. Elle était le centre d’une ancienne colonie juive. Une Église y aurait existé dès les premiers temps. Marc, associé par cette lettre à Pierre, est également revendiqué comme l’un des fondateurs de l’Église d’Égypte.

      La majorité des auteurs penche actuellement pour Rome parce que la présence de Sylvain et de Marc s’y expliquerait plus facilement que dans les deux autres villes (voir #Col 4:10 ; #Phm 1:24). D’autre part, le martyre de Pierre à Rome paraît assez probable. Par mesure de sécurité, l’apôtre aurait utilisé l’appellation métaphorique de Rome, courante dans la littérature pseudépigraphique juive et reprise plus tard par l’apôtre Jean (#Ap 14:8; 16:19; 17:5) et les Pères apostoliques. Au cas où la lettre serait tombée entre les mains de la police romaine, il aurait voulu éviter d’attirer l’attention sur l’Église de Rome.

      Date.

      Pour tous ceux qui voient en Pierre l’auteur de cette lettre, la date de rédaction oscille entre les années 60 et 64, car c’est à ce moment que l’on s’explique le mieux la présence simultanée de Pierre, de Marc (#1P 5:13) et de Sylvain (#1P 5:12) à Rome. La lettre daterait donc de peu de temps avant la persécution de Néron.

      Contenu.

      Comme l’épître aux Hébreux et celle de Jacques, cette lettre se lit comme un sermon par écrit-ou plutôt comme une « homélie » dans le style courant de la correspondance entre Juifs de la Diaspora. On a relevé dans cette épître un certain nombre d’éléments liturgiques (#1P 1:3-12) et catéchétiques (#1P 1:13-2:10). Certains y voient même essentiellement une prédication baptismale fondée sur le #Ps 34 à laquelle on aurait adjoint une lettre d’exhortation.

   Comme l’auteur s’adresse à des nouveaux convertis (#1P 2:2) qui viennent donc de passer par les eaux du baptême, il est normal qu’il fasse allusion à cet événement marquant pour eux et qu’il leur rappelle les devoirs liés à la vie chrétienne dans laquelle ils viennent d’entrer et pour laquelle ils ont été « régénérés » (#1P 1:3,23; 2:2). L’épître est donc essentiellement une exhortation à vivre de manière conforme aux exigences de la haute vocation qui leur a été adressée : la bonne conduite est le mot-clé de la lettre (#1P 1:15,17-18; 2:12; 3:1-2,16) qui pourrait être considérée comme un commentaire pratique de #Mt 5:10.

      Deux autres thèmes développés dans cette épître sont l’espérance et l’attitude devant la souffrance. Christ nous a fait renaître à une espérance vivante (#1P 1:3), c’est-à-dire qui nous aide à vivre en donnant un sens à notre vie, et qui transcende la mort à laquelle aboutissent et se heurtent toutes les autres espérances humaines. Cette espérance est liée à la victoire passée de Christ sur la mort (#1P 1:21; 3:22), à sa prochaine venue en gloire (#1P 1:13) et à sa place actuelle à la droite de Dieu au-dessus de tout pouvoir et toute autorité (#1P 3:22).

      La souffrance est une épreuve nécessaire (#1P 1:6-7) et normale (#1P 4:12). Elle ne s’oppose pas à notre joie, car elle débouchera sur la louange, la gloire et l’honneur lors de l’avènement de Jésus-Christ. Que le croyant qui souffre injustement s’estime donc heureux (#1P 3:13-17) car il participe aux souffrances de Christ et l’Esprit de gloire repose sur lui (#1P 4:13-14,19).

      But.

      Le but de la lettre ressort clairement de son contenu : l’apôtre veut encourager ses amis à tenir ferme dans l’épreuve qui les menace. Il dit d’ailleurs qu’il leur écrit pour les exhorter-ou les encourager : le mot a les deux sens-et leur attester que la grâce de Dieu à laquelle ils sont attachés est la véritable (#1P 5:12). Peut-être a-t-il peur que les souffrances qu’ils ont à traverser ne les portent à se demander s’ils sont bien entrés dans la bonne voie en devenant chrétien ou si leurs épreuves ne seraient pas un signe que Dieu aurait détourné d’eux sa faveur. Non, leur répond Pierre, vous êtes dans la grâce de Dieu prédite par les prophètes (#1P 1:10), si vous supportez sans haine les mauvais traitements (#1P 2:19), si vous souffrez pour la justice (#1P 3:14) en faisant ce qui est bien (#1P 2:20), car vous marchez sur les traces de Christ (#1P 2:21-23; 4:1). Si vous avez part à ses souffrances (#1P 4:13), vous aurez aussi part à sa gloire (#1P 1:7-9). Réjouissez-vous donc, si vous souffrez ainsi (#1P 4:14) et glorifiez-en Dieu (#1P 4:16). Dieu vous accordera pleinement la grâce lors de l’avènement de Jésus-Christ (#1P 1:13). L’espérance est le moteur de la vie chrétienne. Elle soutient le croyant dans ses épreuves (#1P 1:6) et le stimule dans sa sanctification (#1P 1:13 et suivants ; #1P 2:11 et suivants). Souffrance et espérance sont les deux thèmes majeurs qui s’entremêlent constamment dans l’épître « Le chrétien peut être victorieux dans l’épreuve. Pierre le sait. Il veut le faire savoir à ses amis d’Asie Mineure  —  et le leur démontrer » (Paul S. Rees).

      À travers les siècles d’épreuves et de persécutions que l’Église a dû traverser, cette épître a été, plus que toute autre, source de consolation et de réconfort. Elle est citée dans de nombreuses lettres de prisonniers de tous les temps. Elle a été comme la boussole d’un pilote naviguant sur une mer démontée : au milieu des ténèbres et des éléments déchaînés, elle a pointé vers le but et indiqué le cours à suivre.

      Aujourd’hui, en bien des endroits, l’Église chrétienne se retrouve dans les conditions de l’Église des premiers siècles, en butte aux persécutions ouvertes ; partout elle ressent une pression croissante d’un entourage néo-païen, sa relative quiétude des siècles précédents a fait place à une insécurité que partage même le monde. Plus que jamais, les chrétiens ont besoin de savoir comment se comporter en « étrangers et voyageurs » dans un contexte hostile, de se voir rappeler que « la sainteté est plus importante que la santé » (A. Stibbs) et que Dieu sait utiliser la souffrance pour nous faire acquérir des biens autrement précieux. Pour toutes ces raisons, la première épître de Pierre peut être considérée comme un message vital de Dieu pour notre temps.

      Plan.

      Le style de 1 Pierre est naturel, pathétique, véhément. Semé de transitions soudaines, il reflète admirablement le caractère de l’auteur. La forme est caractéristique de Pierre, bien que la doctrine soit pareille à celle des épîtres de Paul, avec une insistance particulière sur la grâce de Dieu et l’espérance glorieuse de la Parousie.

I. Le salut du croyant 1.1-2.12

A. Salutations 1.1-2

B. Un si grand salut 1.3-12

C. La sanctification du croyant (Vivre le salut dans un contexte païen) 1.13-2.12

II. La soumission du croyant en respectant la place de chacun : 2.13-3.12

A. Soumission aux autorités politiques 2.13-17

B. Subordination et souffrance injuste 2.18-25

C. Subordination dans le mariage 3.1-7

D. Soumission dans toute la vie 3.8-12

III. La souffrance du croyant 3.13-5.14

A. Comment se comporter dans la souffrance 3.13-17

B. L’exemple de Christ dans la souffrance 3.18-4.6

C. Glorifier Dieu par son attitude dans la souffrance 4.7-19

D. Servir Dieu dans l’Église (malgré la souffrance) 5.1-9

IV. Bénédiction et salutations 5.10-14

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