
Procès de Jésus.
01/10/2017 08:19Procès de Jésus.
Deux champions des droits de l’homme de l’antiquité, les Juifs et les Romains, se rencontrèrent lors d’une tragique erreur judiciaire : celle du procès de Jésus.
Les Juifs étaient animés du désir aveugle de se débarrasser de Jésus et les Romains avaient peur de subir le chantage des Juifs. Juifs et Romains symbolisent le monde religieux et le monde séculier qui, pour des questions d’intérêt, ont rejeté Jésus.
I. Le procès devant les Juifs.
Les Juifs voulaient se saisir de Jésus par ruse et le faire mourir (#Mt 26:4). Tels sont les préliminaires du procès et de ses nombreux irrégularités.
1. Interrogatoire préliminaire. Pendant que le sanhédrin était réuni, Jésus était retenu chez Anne, le beau-père de Caïphe qui était le souverain sacrificateur. Là, en dehors de toute légalité, il fut interrogé au sujet de ses disciples et de sa doctrine (#Jn 18:19), car les Juifs avaient besoin de témoins pour ouvrir un procès. À ce stade, Jésus insista aussi pour que l’on trouve des témoins (#Jn 18:20-21), car il n’est pas possible de juger quelqu’un sans preuves.
2. La nuit du jugement. Pour les chefs religieux juifs, il était important de se dépêcher et de faire condamner Jésus avant que ses disciples ne surviennent, et surtout avant la fête de la Pâque, car ils avaient peur des réactions de la foule. Ainsi, on a fermé les portes du Temple pour la nuit. La cour de la maison du souverain sacrificateur servit de poste d’urgence informel. Les Juifs s’assemblèrent pour comploter dans une salle attenante à la cour centrale et séparée d’elle par de simples colonnes. C’était un lieu de passage entre la cour et les appartements d’Anne. Les principaux sacrificateurs cherchèrent à tout prix des témoins, mais ils n’en trouvèrent pas de valable, car leurs témoignages ne concordaient pas (#Mr 14:56 cf. #De 19:15). L’une des accusations lancées contre Jésus concernait la démolition du Temple d’Hérode et la reconstruction d’un nouveau Temple en trois jours (#Mr 13:2 ; #Ac 6:13-14). Cette prétention était, selon le judaïsme contemporain, équivalente à l’affirmation de sa messianité. Jean explique le sens de la parole de Jésus qu’on lui reprochait : il parlait du Temple de son corps (#Jn 2:19). Pendant ce temps, Jésus gardait le silence. Finalement, dans un mouvement de désespoir, le souverain sacrificateur poussa Jésus à prêter serment (#Mt 26:63-64) et à dire si oui ou non il était « le Christ, le Fils du Dieu béni » (#Mr 14:62). Bien qu’il sût que cela allait lui coûter la vie, Jésus affirma l’être (#Mt 26:65-66). De plus, l’allusion au « Fils de l’homme » et la citation implicite du #Ps 110:1 et de #Da 7:13 ne laissait aucun doute là-dessus. En entendant cela, le conseil des Juifs, à l’unanimité, le déclara coupable, tous ayant été témoins de son « blasphème ». Puisque Jésus était homme, il ne pouvait être Dieu, pensaient-ils. Pour eux, sa déclaration méritait la mort. L’action symbolique du souverain sacrificateur déchirant ses vêtements était, selon la Michna, un prélude à la prononciation du verdict : condamné à mort. Ils l’accusèrent, mais ils ne purent le condamner. Après cela, leur groupe se dispersa dans le désordre. Certains crachèrent au visage de Jésus, d’autres le giflèrent ou lui donnèrent des coups de poing (#Mr 14:65). Cette séance nocturne étant illégale (d’après la Michna, le tribunal ne pouvait siéger ni la nuit, ni les jours de fête ou veilles de fêtes), il fallait en ratifier la décision au cours d’une séance diurne. De plus, seule une séance plénière du sanhédrin pouvait se prononcer sur la peine capitale (#Mr 15:1).
3. Séance matinale du sanhédrin. Le lendemain matin vendredi, les pharisiens, les anciens du peuple et les scribes se réunirent pour donner un semblant de légalité à la décision prise pendant la nuit. Le sanhédrin devait aussi préparer le « dossier » avant d’amener Jésus à Pilate. Le souverain sacrificateur poursuivit le procès, sans reprendre ce qui n’avait pas donné de résultat pendant la nuit. La cour interrogea de nouveau Jésus qui réaffirma être le Fils de Dieu. En entendant cela, les Juifs crièrent au blasphème et dirent : « Qu’avons-nous encore besoin de témoignage ? Nous l’avons entendu nous-mêmes de sa bouche » (#Lu 22:71). Après cela, ils le conduisirent tous chez Pilate (#Lu 22:66-23:1). Le blasphème était l’unique charge portée contre lui durant cette séance. Au regard des traditions juridiques juives, plusieurs irrégularités furent cumulées dans ce procès de Jésus : outre le moment des séances (signalé plus haut) le jugement devait être précédé par l’envoi d’un héraut à travers le pays pour appeler des témoins. Les témoins à charge devaient donner deux témoignages concordants (alors qu’un seul témoin à décharge suffisait pour acquitter), l’accusé devait bénéficier d’un avocat. Les juges ne pouvaient fonctionner ni comme accusateurs ni comme témoins. Un jugement de condamnation ne pouvait être prononcé moins de 24 heures après la première comparution.
II. Le procès devant les autorités romaines.
Bien qu’il fût déclaré coupable, Jésus n’était toujours pas condamné, car Rome seule était autorisée à prononcer la peine capitale (#Jn 18:31).
1. Essai d’acquittement. Les Juifs firent nettement entendre à Pilate qu’ils se réservaient le droit de juger Jésus et que le gouverneur devait seulement ratifier leur jugement et en ordonner l’exécution. Cette manière de faire avait cours parfois lorsque les gouverneurs romains étaient peu motivés ou qu’ils désiraient faire une faveur aux Juifs, en particulier dans les affaires religieux Mais Pilate ne voulut pas céder devant la pression des Juifs et il leur dit : « Prenez-le vous-mêmes et jugez-le selon votre loi » (#Jn 18:31). Dans ce premier temps, Pilate laissait donc le choix aux Juifs, soit de juger eux-mêmes le prévenu et de lui appliquer les peines qui étaient de leur ressort, soit de le lui déférer et de lui laisser toute liberté de le juger comme il l’entendait.
2. Accusations. Si Jésus devait être jugé et condamné par les autorités romaines, un nouveau chef d’accusation devait être établi, car dans le droit romain, le blasphème n’était pas un motif de condamnation. Les Juifs donnèrent libre cours à des plaintes improvisées susceptibles d’impressionner un magistrat soucieux de l’ordre public : Jésus égarait le peuple, il incitait les gens à ne pas payer l’impôt à César et il affirmait être roi (#Lu 23:2). Pilate s’arrêta seulement sur ce dernier chef d’accusation, car s’il était vrai, Jésus était coupable de trahison et passible de la peine capitale. Dans le droit romain, le crime de trahison était le plus grave.
3. Interrogatoire et acquittement. Pilate retourna au prétoire pour interroger Jésus qui reconnut sa royauté, mais qui lui expliqua qu’il n’avait pas l’intention de renverser le gouvernement. Son autorité relevait de la vérité : « Je suis venu pour rendre témoignage à la vérité » (#Jn 18:37). Satisfait, Pilate alla vers les Juifs et prononça l’acquittement : « Je ne trouve aucun motif de condamnation en lui » (#Jn 18:38). Cette sentence aurait dû mettre fin au procès si le but en avait été l’établissement de la culpabilité ou de l’innocence du prévenu.
4. Renvoi de l’affaire à Hérode. Mais lorsque les Juifs se mirent à vociférer, Pilate se sentit pris dans une impasse. Tout à coup, le mot Galilée résonna à ses oreilles et lui donna une idée. Hérode Antipas était à Jérusalem. Pourquoi ne pas l’honorer en le laissant trancher le cas ? Hérode apprécia l’attention mais il était trop fin limier pour s’impliquer dans une affaire de trahison. Il traita seulement Jésus avec mépris, se moqua de lui (#Lu 23:11) et le renvoya à Pilate.
5. Jésus ou Barabbas. Jésus revint de chez Hérode. Deux fois encore Pilate chercha à gagner l’acquittement de Jésus (#Lu 23:13-23). Il convoqua une nouvelle fois les autorités juives, leur exposa le résultat de son interrogatoire et de celui d’Hérode et leur fit part de sa décision de relâcher Jésus après lui avoir infligé un châtiment corporel.
De plus, sachant que c’était par jalousie que les chefs des Juifs avaient « livré Jésus » (#Mt 27:18), il décida de s’adresser directement au peuple en s’appuyant sur la coutume de relâcher un prisonnier lors de la fête de la Pâque. Mais le peuple, manipulé par les principaux sacrificateurs et les anciens (#Mt 27:20), exigea la libération de Barabbas et la crucifixion de Jésus (#Lu 23:18). Devant l’insistance de la foule, Pilate affirma devant tous, par le geste symbolique du lavement des mains, son innocence dans cette condamnation (#Mt 27:24).
6. « Voyez l’homme ». Dans un dernier appel aux sentiments d’humanité, Pilate amena Jésus devant les Juifs le dos lacéré par le fouet, une couronne d’épines sur la tête et revêtu d’un manteau de pourpre. Mais ils réclamèrent de plus belle sa crucifixion (#Jn 19:1-6).
7. La condamnation. Aucun compromis n’était désormais plus possible. Soit Pilate libérait Jésus, soit il le faisait mourir. La peur du chantage (dénonciation auprès de l’empereur pour lui retirer le titre d’« ami de César » (#Jn 19:12) — ce qui équivalait à une condamnation à mort) l’emporta sur son sens de la justice. Pour apaiser les Juifs, Pilate leur livra Jésus (#Jn 19:16).
Ce procès est raconté en détail dans les quatre évangiles pour convaincre les lecteurs du caractère illégal de la procédure et de l’innocence de Jésus devant la loi juive comme devant celle des Romains.
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